FORET 0
Le feu craquait, nourri de résines gluantes. Ses doigts en portaient la trace indélébile depuis qu’il vivait dehors.
Elle se tenait accroupie près du brasier, elle aussi. Elle venait d’ajuster une perche, appuyée sur un galet emprunté à la berge, son extrémité glissée sous une autre roche servait de contrepoids. A l’autre extrémité, une bouilloire noire de suie, le cul dans les flammes.
Ils faisaient escale. Ils avaient voyagé lentement, un temps indéterminé, y compris dans des contrées que ne mentionnaient pas les cartes. A eux deux, ils n’avaient pas soixante ans mais le temps leur importait peu. Surtout depuis qu’ils avaient décidé de se hasarder sur des chemins qu’ils savaient périlleux, étranges parfois, toujours exaltants. Depuis qu’ils avaient décidé de devenir qui ils étaient.
Ils ont ce jour décidé de prendre un repos provisoire. Un repos que le corps et l’esprit demandaient, un repos de recueillement. Ils devaient passer au tamis de la conscience ce qu’ils venaient de découvrir ; ils vivaient désormais comme à l’envers du monde, sur sa face invisible, un ubac pour la normalité qui ne le voyait pas, un adret gorgé de soleil pour la vie lorsqu’elle s’invente à partir de l’essentiel.
Cette histoire étrange se doublait d’un chemin de pensée. Il tenait, au fond, en peu de mots. Mais ils devaient en retisser le fil à travers un langage gorgé de sensations et de réflexions associées. C’en était fini des séparations de pacotille, de celles qui n’embrassent pas la vie mais la musèlent. Dans ce tissu de mots combinés, de sens partagé, se reflétait (en éclats fugaces et fragiles) le centre ignoré du monde. Celui que chacun sait et ignore en lui.
Tout avait commencé dans un refus et une quête.
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LOIN DE L’ECRITURE ENGAGEE, CES PAGES ASPIRENT, AU CONTRAIRE, AU PARFAIT DEGAGEMENT. Elles abordent et s’éloignent d’un monde qui relègue toute forme d’existence poétique dans les marges de la vie, un monde qui préfère le prosaïque et l’ennui à l’enthousiasme créateur, la démission consumériste à la formulation désirante et active. Pourtant nul besoin d’être devin pour pressentir qu’en chacun, un jour, les tensions risquent de céder devant l’essentiel, lorsque celui-ci jaillit d’avoir été tant réprimé par l’injonction tenace de perdre sa vie dans l’espoir de la gagner, de courir pour attraper ce qui nous est inutile ou donné.
Des individus revenus à leurs individualités, c’est-à-dire revenus à eux-mêmes, supportent mal d’être réduits à leur portion congrue : un rôle économique, au sens strict de l’expression.
La liberté est un bien fragile qui ne s’acquiert pas, elle se reprend, à rebours des programmations que le machinisme introduit jusqu’à l’intimité de l’existence, jusqu’à l’ajustement des gènes. Aujourd’hui les plantes, demain les animaux, après-demain les hommes ? Mais déjà, avant les corps, les consciences sont atteintes, exercées par l’air du temps à l’affrontement généralisé, diffus et policé, de tous contre tous au nom d’une excellence concurrentielle qui -est-ce paradoxal ?- produit un conformisme à toute épreuve. Ou bien, c’est selon, un anticonformisme de masse.
Chacun se souhaite unique, sculpte son « look » égocentré au gré des modes et des tendances, alors que la reproduction en série, après avoir modelé les objets, touche jusqu’aux individus. Pour parfaire ce processus machinique, ne manque que le clonage comportemental, histoire de prévenir toute déviance, toute non-conformité, à l’école, dans la rue, sur les lieux de travail et d’activité.
S’expose alors une tentation : risquer une réflexion buissonnière contre les calculs de l’époque ; esquisser une poétique de l’être au monde, en résistance.
Un être qui éprouve et qui pense, qui habite le monde autant qu’il habite son corps et cultive sa conscience. Une conscience en relation avec un monde désormais exposé au divers des cultures et des géographies. Mondialisation, dit-on.
Partie du cœur institutionnel de notre modernité occidentale, prétentieuse et conquérante, culture du renversement des valeurs qui dévalue la vie et glorifie la mort, l’intelligence poétique file son chemin jusqu’à atteindre, soulagée, libérée, des marges où l’on respire enfin, des îles où s’évanouissent les mailles du cadastre intercontinental.
Plus large, plus humble, plus nu, à la recherche d’un antidote qui soit à la fois pratique et symbolique, nous voici face à une figure du dehors reléguée hors des cercles de la décivilisation productiviste, une figure assignée à résider dans le magma du non-humain qu’il s’agirait de modeler à sa guise, histoire d’éradiquer son altérité, dérangeante, subversive. Or la voici réapparaître, sauvage, au gré de nos expéditions philosophiques et sociétales. Celles-ci sont à entendre comme de triples tentatives : d’évasion, d’élucidation, de transformation.
Si l’imaginaire institué est celui de la programmation généralisée des espaces et des consciences, s’il grave dans le marbre les inégalités entre des êtres menacés de parfaite conformité, l’imaginaire de la sauvagerie émerge comme un espace de transformation et de création. Il circule au contact d’un monde fait d’alliances conviviales et de frottements plus ou moins grincheux. Un monde pluriel, où cohabitent des affirmations non-exclusives de diversité et des connivences affinitaires.
Un-divers, voici ce monde où tisser des relations harmoniques, désormais notre commun horizon, à nous qui pourtant nous savons irréductiblement différents malgré les bureaucraties monoformes qui tissent leur toile parmi les continents. Elles voudraient, au nom des règles de la gestion parfaite, du libre-échange des marchandises-objets et des marchandises humaines, soumettre humanités et natures au rendement généralisé. Ceci quand plane, proche de nos têtes, l’ombre des désastres humains, éthiques et écologiques qu’il faut bien affronter. Comment ? Soumis, sous l’œil d’un big brother souriant, commercial et procédurier ? Ou bien en liberté ? Si la première solution nous pend dès à présent au nez, la seconde, il faudra la chercher pour la trouver.
(...)
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FORET I
Ici les terres n’ont d’arbres qu’en leurs bords. Découpées par la propriété, les voici travaillées de bout en bout, de long en large, de bord à bord, sans un arbre pour distraire le regard, pour détourner tracteurs et outils-remorques de leurs sillons rectilignes, de leurs sillages suspendus à des cordes raides.
Et ceci court ainsi jusqu’à l’endroit le plus éloigné du regard.
Détours d’arbres parmi les parcelles égalent tracas, perte de temps, ennuis, gestes de trop, jurons dans la moustache, soucis de plus, ombre portée, moins d’herbe, argent dehors.
Alors le vent s’en donne à cœur joie, avec aucun feuillage à faire danser, pas de poètes à faire chanter. L’été, il sèche la terre et jaunit l’herbe plus vite qu’il ne faudrait ; dans sa grande générosité, l’hiver il apporte et distribue à travers la campagne le froid mordant et les gelées qui serrent. Dehors, l’homme sent brûler ses oreilles et ses mains. Il se plaint mais ne replante pas.
Subsistent, ça et là seulement, quelques haies survivantes, nichoirs pour tout un peuple qui vole et qui court, refuges de merles, ombre de corneilles. Les sitelles avancent au long des troncs la tête en bas, le pic rythme la vie des feuilles et du bois debout, offerts à la brise en harpes végétales où l’oreille se tend, où le regard se perd, où rêve l’imagination. Parfois claquent les volées de pigeons sauvages.
La haie trace sa ligne lorsque le pré se décline en angles, en rectangles, en carrés découpés de barrières barbelées, opposées aux passeurs, aux passants, au bétail, aux vaches noires et blanches aux museaux d’herbes et de bave.
Debout l’arbre s’élance et chante aux vents, d’où qu’ils viennent, il ne fait pas de différence, pourvu qu’ils passent souplement à travers.
Couché, il se mesure en stères ou en mètres cubes, il sonne alors dans la poche de son propriétaire : un bon arbre est un arbre mort. Calamité !
(...)
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L’HEURE NEST PLUS AUX DIVAGATIONS CREATRICES, tant l’esprit du temps paraît soumis à l’ordre serré des aménageurs de l’existence. L’imaginaire aménageur a institué la programmation généralisée de la vie. Il se justifie par un souci omniprésent de rationalité et d’efficacité, renforcé par l’inquiétude qui désormais affecte le monde et sa durabilité.
Aussi n’a-t-il jamais été autant question de sécurité et le catastrophisme n’est, de ce point de vue générateur d’anxiété, pas sans ambiguïté, l’obsession sécuritaire découlant de la peur de tout.
A l’effondrement des visions fait désormais suite la multiplication des projets. Rien de très exaltant, pourtant, ne semble venir à l’horizon de la réalité conventionnelle. Rien que désordres et crises, d’où l’agitation pour faire durer l’existant. Faire tenir ce qui tient encore, tant bien que mal, afin de contrer l’incertitude généralisée des lendemains qui, on le pressent, ne chanteront pas forcément.
Derrière un vernis dur comme la pierre de technosciences, nos sociétés cheminent sous le signe du bricolage dit pragmatique, c’est-à-dire à court terme et à courte vue. Prévoir pour prévoir et se donner bonne figure politique (gouverner, c’est bien prévoir, n’est-ce pas ?), tandis qu’en réalité l’exigence pare au plus urgent dans un monde fluctuant de vaste échelle et de grande complication, où justement plus rien n’est prévisible.
L’incertitude est tripolaire : incertitude économique, sociale, écologique, à l’image des trois pôles du développement dit « durable » qui doit concilier l’économique, le social, l’écologique pour prétendre définir le modèle d’une société pérenne. C’est que, plus montent l’incertitude et l’angoisse du lendemain, plus la programmation et la planification prétendent s’occuper des « affaires » de la société.
Le hasard n’est plus de mise, il n’y a pas de petit profit pour l’esprit de sérieux. Pourtant le « chaos » menace et insiste à notre porte.
Chaque minute les médias sont là pour nous rappeler, de manière lancinante, que la peur est une nécessité, que le monde est lourd de menaces, que l’usage de la raison -technique et économique, de celle qui aménage et modélise- serait le seul rempart contre leurs flots.
Or la peur et la tristesse sont les cercueils des morts-vivants.
Combien sommes-nous, en allumant notre poste de radio ou de télévision, à constater que décidément rien ne va ? Nombreux. L’information est-elle neutre ou chargée d’émotion ? Que cherche-t-elle à provoquer : lucidité ou sentiment d’anxiété ? Comment tenir une position aussi antinomique, lorsque l’émotionnel nourrit le bruit médiatique, pourtant placé sous le signe d’une prétendue objectivité ? L’objectivité : lorsque la domination se déguise en science.
Dans le climat médiatique, rationalité et affects n’ont jamais vécu aussi proches. Sécurité et insécurité avancent ensemble sur le terrain imaginaire de la société-monde, où le désordre appelle l’ordre, et le débordement permanent la forme renforcée, rigide, pour le contenir. Ce paradoxe dissimule à peine une stratégie autoritariste dans sa finalité.
Brouhaha et confusion se masquent de rationalisme, de quantifications abstraites et d’un appareil bureaucratique pléthorique afin de contrôler le tout et maintenir un semblant de cohérence dans la « crise ». La prévision et le plan doivent lutter contre l’incertitude et la précarité, à tous les niveaux, de l’individu au social, du « culturel » au « naturel ».
Dans ce contexte, la nature ne s’est jamais faite aussi menaçante que depuis qu’elle est détruite comme jamais. Et plus elle menace, plus elle est détruite car l’enjeu semble celui de sa parfaite maitrise, au nom de sa mise en productivité économique et de la gestion (par prévention ou correction) de ses risques. Non des risques qu’elle court, mais de ceux qu’elle nous fait courir.
Désormais exister ce n’est donc plus vivre, et faire œuvre de bon sens pour vivre au mieux, mais organiser, gérer, planifier selon d’innombrables règles et de multiples procédures, écrites le plus souvent, donnant lieu à de multiples contrôles. Celles-ci tissent une administration qu’on ne dit plus bureaucratique, mot jugé trop « bolchevisant », mais qu’on souhaite issue du management généralisé de la vie.
Le management est la forme libérale de la bureaucratie, dans un contexte où l’Etat assure ses missions par la voie de la sous-traitance à des entreprises ou des organismes privés.
La bureaucratie monobloc du capitalisme d’Etat a fait place à la bureaucratie dispersée, à peine dissimulée, fragmentée et privée du management. Le résultat est au final en bien des points identique : prolifération des procédures et instauration de hiérarchies de techniciens, d’experts, de contrôleurs en tous genres et de professionnels-techniciens de la « politique ».
Le management et sa terminologie sonnent à l’heure libérale et ses méthodologies poursuivent l’efficacité existentielle maximale. Cette prétendue efficacité sert de première instance de légitimation objective, au nom de l’accroissement de performance de ce « processus en pilotage » qu’est devenue la vie. Légitimité renforcée par la garantie d’une scientificité convoquée à tort et à travers et à tour de bras.
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FORET III
Je m’en souviens comme si c’était hier. Le vent revenait à la charge au détour des cols. L’automne colorait en jaune le feuillage des chênes, en rouge certains peupliers. Les pins demeuraient impassibles au passage des saisons. Ils n’avaient cure de la venue de l’hiver. Les arbres réagissaient par un hivernage de la sève. Celle-ci désormais contenait ses avancées silencieuses et secrètes en attendant les élans du printemps.
Les chasseurs sillonnaient les sentiers et les aboiements des chiens signalaient leur quête atavique. Un sanglier cherchait-il sa survie quelque part devant ? Le regard ne parvenait pas à percer l’épaisseur des feuillages de l’autre versant. La chasse demeurait mystérieuse sous le couvert de la forêt d’Aiguebelle. Parfois seulement je surprenais deux guetteurs attendant la survenue de la proie traquée par le reste de l’équipe. Leurs vêtements se confondaient avec le décor et je ne les apercevais qu’au dernier moment, même si les voitures garées sur les bords des chemins laissaient deviner leurs présences. Ils se tenaient de pied ferme dans l’attente. La patience tenace des plus anciens faisait écho à l’endurance des plus jeunes partis avec les chiens au travers des pentes.
Lorsque je pars ainsi par monts et par vaux, j’essaie de toutes mes forces de ne plus appartenir à l’époque. Je veux participer au monde de la même façon que les pierres et les arbres. J’oublie mes prétentions comme de vaines démonstrations de moi-même. Mon identité pèse alors comme une roche qui m’entraînerait vers le fond. Dans le frémissement des herbes se dissimule le passage à vide seul capable de conduire à la plénitude, loin des soubresauts biographiques et des attachements mesquins, des calculs pitoyables auxquels nos environnements souvent nous résument. Je ne suis pas certaine d’être comprise. Je sais que lorsque je tiens ces propos à voix haute, certains pensent que je suis désespérée. Pourtant dans ces instants où l’atteinte est réelle chaque parcelle de l’être rayonne d’une puissance inestimable. Je n’en suis qu’un simple dépositaire parmi d’autres, êtres inanimés et animés. Ce qui subitement me distingue est la pleine conscience de la situation, que je considère alors d’un autre point de vue, plus vaste, indépendant de ma personne. A la limite de l’émerveillement et de l’indifférence, je n’ai plus de foi.
Nos « je » sont si souvent des enclumes qui nous trainent par le fond. Ils relèvent d’une identité ambiguë : véhicule paradoxal, cette identité nous est indispensable mais elle sait nous enfermer dans la prison de ses déterminismes. Elle autorise chacun à se mouvoir, doté de quelque consistance heureuse, haussé d’une personnalité qui le distingue ; toutefois regardez-là resserrer ses filets insidieux, tendus de vanités et d’arrogance, de mépris et d’étroitesse.
Ce jour, la musique de l’automne était un bruit de pas dans les feuilles. L’air plus frais obligeait parfois à se protéger derrière les épaisseurs d’étoffe. Le ciel était chargé, l’humidité pesait sur le corps selon les endroits où l’on cheminait.
Juste avant de basculer sur l’autre versant, j’aperçus la cabane perchée dans l’altitude d’un pin. Une échelle de bois permettait d’y grimper malgré l’écriteau qui signalait un risque. L’Office National des Forêts mettait en garde l’utilisateur : il était sous sa propre responsabilité en essayant de monter là-haut. Je parvins sans difficultés sur la plate-forme de planches. Celle-ci reposait à une douzaine de mètres au-dessus du sol, en partie calée sur une fourche épaisse de l’arbre. Son autre côté reposait sur un grand poteau fiché en terre. Le plancher semblait en bon état, meilleur que l’échelle dont certains barreaux gorgés d’humidité craquaient sous le corps. Ce refuge n’était pas rassurant, trop fermé, trop blotti dans l’humidité de l’arbre alors que partout autour l’air circulait librement. Je voulus rejoindre la forêt ouverte et sentir les pierres fermes sous mes pieds. Une ambiance de caverne régnait dans ce perchoir dont j’ignorais l’utilité. Peut-être servait-il pour la chasse ou la surveillance des feux. Il évoquait une intention humaine, j’aurais préféré rencontrer un loup.
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AUX MARGES DE CET ETAT DES LIEUX, c’est-à-dire à l’écart de l’imaginaire programmé, règne, chez nous autres Occidentaux, l’imaginaire de la sauvagerie, ce désert propice au recueillement.
Le recours à la sauvagerie permet une concentration nouvelle et garantit la possibilité de porter son attention sur des réalités jusque là inaperçues, au point de jonction entre l’extérieur et l’intérieur, entre l’expérimentation du monde et l’exploration de soi.
La sauvagerie accueille des explorations sociétales et des voyages anthropologiques. Cette expédition spirituelle est un éloignement radical qui travaille d’abord dans le secret et conduit parfois vers la compréhension de nos multiples conditionnements, de nos constructions diverses.
S’échapper, tant objectivement que subjectivement, des usages de sa société -c’est-à-dire tenter de déconstruire ses lieux communs- pour sortir de ses bornes est une condition première pour recueillir de nouvelles visions.
Alors se déploie le sens là où d’autres ne voient que du rien.
Ce sens sauvage est désormais comme un sixième sens, rare et improbable, intuitif et synthétique. Il aiguise la vigilance -intelligence et sensation- comme le couteau habilement incliné sur la pierre et s’inquiète de cette volonté brutale de tout aménager, de convertir la terre entière aux cultures de rapport, de convertir les cultures humaines à l’économisme le plus outrancier, de mettre les espaces aux fers du productivisme, de soumettre nos personnes à la tyrannie de la simple fonction.
Une monoforme culturelle, heureusement relative dans ses applications -la diversité n’est pas éradiquée car elle n’est pas éradiquable-, émerge à l’horizon de cette volonté de rentabilité qui reste, avant tout, une volonté de puissance et de conquête aux moyens éminemment destructeurs.
Le recyclage en divertissement est l’un des moyens d’éradication du divers. Le tourisme, avec son exotisme maitrisé, ses mises aux normes des territoires comme des comportements, en est un exemple. Si la diversité résiste aux pouvoirs des uns, le divertissement distrait les uns au détriment des autres qui doivent se soumettre aux attentes du public, tenir convenablement leur rôle pour provoquer plaisir et amusement, ou contribuer à une ambiance prétendument « exotique ».
Dans le divertissement, l’autre est désirable tandis que sa diversité, laissée intègre, provoque potentiellement l’inquiétude et la crainte. Sinon le désir, elle inspire envie et cupidité.
Toutes les discriminations s’attachent et s’attaquent à cette diversité qui par nature échappe au phantasme de la monoforme culturelle, ce phantasme habité par l’obsession économiste.
Extrait de Rodolphe Christin, Dissidence de la broussaille, Ateliers de création libertaire, 2007.
Du même auteur, Le manifeste du saumon sauvage, publié par les Éditions de la Revue des Ressources, En vente sur ce site.
Paru le 17 janvier 2011.
Prix : 8 euros.
ISBN : 978-2-919128-04-4
- Le premier livre des ERR - Le manifeste du saumon sauvage.