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Europe, Asie et Eurasie sont des abstractions 

Réponse à l’enquête « Où en êtes-vous avec l’Asie ? »

lundi 20 octobre 2008, par Vittorio Frigerio

1. Croyez-vous qu’un péril venu d’Asie menace l’Europe ? Quels en seraient les
vecteurs ?

Non, il n’y a plus de péril jaune depuis l’époque du mystérieux docteur
Fu Manchu. Il y a des problèmes au niveau du commerce et en partie des
questions d’immigration (comme on a pu le voir encore récemment par exemple à
Milan, où de fortes tensions opposent les habitants à une communauté chinoise
perçue comme envahissante et peu respectueuse des coutumes). Il s’agit là
toutefois de questions de rapports internationaux ou sociaux tout à fait
normales et probablement inévitables.


2. Pensez-vous que l’Asie soit une entité, une seule civilisation ? Et
l’Europe ?
Comment les percevez-vous ? Les hiérarchisez-vous ? Selon quels critères ?

Il n’y a pas plus d’entité « Asie » que d’entité « Europe », sauf comme
définition géographique. Les différences et les rivalités entre pays
asiatiques peuvent etre aussi marquées qu’elles le sont entre pays européens.

3. Que vous évoque le mot « Eurasie » ? Vous évoque-t-il quelque chose comme un
rêve d’union entre civilisations complémentaires, à l’instar de ce que les
idéalistes du siècle dernier ont espéré ?

Ce mot évoque très peu de chose pour moi. À une époque où l’Union Européenne
peine à définir son extension et ses frontières (et par conséquent son
identité et ses fonctions), même par rapport à des nations proches telle la Turquie, il
ne me semble pas un concept viable autrement que comme notion idéale
abstraite.

4. Etes-vous d’avis, comme Edmund Husserl, que le monde soit irréversiblement
européanisé et que l’Asie, quoi qu’elle fasse, ne peut le faire qu’en se
positionnant par rapport à ces valeurs européennes ?
ou bien l’Asie a-t-elle encore quelque chose à apporter au monde et plus
particulièrement à l’Europe, comme certains entendent le montrer ?

Si par valeurs européennes on entend les valeurs de la société de consommation
capitaliste, il faut en effet conclure que l’Asie, et la Chine en particulier,
s’est fortement européanisée. Le danger (et ici je reviens en partie à la
question 1) serait plutôt dans le fait que le capitalisme asiatique s’est
développé en l’absence d’un contexte démocratique, et que c’est ce modèle que
certains voudraient réimporter dans les pays occidentaux .


5. Dans quel domaine - arts, littérature, cinéma, philosophie - l’influence de
l’Asie vous semble-t-elle avoir été ou être la plus féconde, ou la plus
néfaste
 ?

Si par influence on entend véritablement une action concrète qui a changé de
manière importante les mentalités ou les pratiques culturelles, il me semble
qu’elle est assez peu importante. Il y a des effets de mode, fort parfois mais
cycliques et généralement de durée limitée, et des influences
personnelles plus marquées chez certains auteurs, mais qui ne portent pas à des généralisations
ou à l’adoption massive de techniques importées. L’intérêt pour la philosophie
orientale me semble avoir été plus fécond et plus durable, supérieur
sans doute à celui pour la littérature, qui demeure très peu connue. Le cas du cinéma
japonais (et du manga) mériterait probablement un discours à part, mais
je suis assez disposé à croire qu’il s’agit là encore d’un engouement passager qui ne
laissera pas de traces très profondes dans les pratiques culturelles
occidentales.

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