Journal de Solange Rebuzzi (suite 3)
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Rio de Janeiro, 17.1.2022
Vieux film
Je me rappelle bien ce jour de fête. Si joyeux et entouré de musique,
même si loin il porte encore tant de noblesse. Et il y avait un certain
mystère dans cette fête-là de rare beauté, où nous étions les comédiens.
Si nombreux sont les morceaux de mémoire. Nous dansons peu. Rions trop.
Les photos en noir & blanc de l’album bien rangé trouvent du repos dans le tiroir.
*
Dis-moi en silence et de façon simple
à quel point nous sommes ce qui devance.
Dis-moi et je répondrai avec le regard,
apaisée par les mouvements quotidiens
qui se déploient sur les heures du matin.
16.1.2022
Journal photographique
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Dans le détail de l’arrière-plan :
La peinture de José Paulo Moreira da Fonseca
et, sur le mur, un travail de Lena Bergstein.
(photographie de moi)
Rio de Janeiro, 16.01.2022
Je me réveille :
Dimanche
Un dimanche quelconque.
Et commence la vaccination des enfants.
Peu d’enfants. Peu de vaccins.
Sur les écrans de TV des scientifiques préviennent : il faut
vacciner !
Notre insane gouvernement déboussolé au regard
vague et vide se cache là-bas, où il habite. Ne dit
rien de quoi que ce soit.
*
Sur le parquet
posé au sol il y a presque cinquante ans, sur le
meuble près du mur,
vit la peinture de José Paulo
Moreira da Fonseca. La signature discrètement
se montre. Un peu délavée. Le poète peintre
aux coups de pinceau suaves dessinait ses portes
ouvertes à la mer.
*
(…)
En fin d’après-midi :
Journal,
Un filet de rouge à lèvres
sur les lèvres froides
parce qu’aujourd’hui on est samedi.
Le masque couvre le sourire
des mains agiles se protègent,
De quoi ?
Peut-être est-ce vraiment un moment
sans espoir. Et j’écris vite :
je cherche à sortir de l’ombre.
*
Étrange monde
plein de mots frustes.
*
Le vent souffle.
Des abeilles résistent.
Des oiseaux exténués. De plus en plus rares.
*
Des paroles vides.
J’observe. Persiste. Crie.
J’ai encore beaucoup à dire.
Le pays garde des tendresses
et, presque naufragé,
attend en attendant lentement.
Dans la bouche de mon peuple
je ne vois rien à part la faim.
Démesurée.
[.…/…]