La faute à Kerouac si j’ai commencé à dévorer les livres. La faute à Kerouac si je me suis mis dans la tête d’en écrire. La faute à Kerouac si je me suis retrouvé par un beau matin le cul sur le trottoir, sans un rond et le ciel bleu planté dans le dos. Les hirondelles à vol d’oiseaux. On ne vit pas des mots.
Avant la route, y’avait toute cette vie dont ne personne ne veut, celle qui ne fait pas rêver - et pourtant comment qu’on se bat, comment qu’on sue pour la gagner - celle qu’on recrache en sortant de l’usine, le col relevé, les deux mains au fond des poches. Liberté, mon cul ! Bon à rien, murs de taule, condamné à vivre dans le bruit des machines. On naît comme ça, sans issue. Du bout des doigts sur les fissures. Et ce n’est pas qu’on soit plus mauvais que les autres, c’est juste qu’on a jamais su se vendre. Merde, j’ai dit merde, j’ai dit tu peux pas finir comme ça, comme un gagnant dans ton canapé. Et y’avait pas 36 solutions. Y’avait juste Kerouac, sa foutue littérature, sa foutue route. When you got nothing, you got nothing to lose, chantait Dylan. Et j’étais là, à bout de nerf, assis près de ma fenêtre, ma fenêtre qui donnait sur un pan de ciel bleu grillagé, et je n’avais qu’une envie, tout arracher. Arracher tellement fort que tous les dieux seraient venus avec, se cassant la gueule dans la cour de l’immeuble. J’ai mis une laisse au coup de mon chien, ai éteint toutes les lumières, fermé la porte.
Depuis, je poursuis le beau temps.