Dans les bas-côtés, aux bords des routes qui longent les champs sans être chemins d’accès prévus pour les tracteurs, ces routes parfois plus basses, jamais plus haute, que la terre remuée annuellement, dans ces fossés il n’y a d’abord rien qu’un empêchement, une frontière naturelle et évidente entre la route qui mène d’un endroit à l’autre, utile, et le champ cultivé, inutile ici pour qui passe, a besoin de passer, mais utile dans un autre monde pour lequel c’est la route qui est inutile. Pourtant, dans ces bas-côtés, entre l’utile et l’inutile, dans ces marges il y a les herbes hautes, l’eau d’anciennes pluies, les criquets endormis, les escargots voyageurs, les pissenlits en fleur dont tu attends les graines pour les souffler comme sur l’image du dictionnaire familial, il y a les cailloux rejetés de la route, les graines qui pousseront dans un an, apportées par des oiseaux, des rongeurs, il y a les corbeaux attentifs, les vers de terre ignorant des corbeaux, la terre indissociable de la boue, il y a le calme, le monde invisible autour, la route seulement ressentie à chaque passage de voitures, vibration, bruit, et le silence après qui se rajoute au calme d’avant fait que chaque passage de voiture augmente la tranquillité, rend plus grande et précieuse la solitude de ces creux.