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Lilith et son amant français (7) 

jeudi 15 décembre 2011, par Mariana Naydova

Quelque part, dans mon repaire virtuel est apparu un jeune Richard. Il me disait qu’il était Richard d’Angleterre, dit Cœur de Lion. Il avait à peine quarante ans, et aimait les Lilith comme moi. Richard avait une théorie irréfutable. Les Lilith mûres comprenaient bien mieux les hommes, la vie. Elles s’habillaient mieux, faisaient mieux l’amour, et avaient eu plus d’expériences. Certaines femmes se sont conservées fraîches plus longtemps, parce qu’elles savaient comment le faire, tandis que d’autres n’étaient que des vieilles peaux déjà dans leur jeunesse. L’innocence n’était qu’un conte de fées pour les enfants et les imbéciles, quant à la beauté, à chacun son goût. Je n’ai rien trouvé à lui objecter. Il était pressé et voulait savoir si j’aimais les hommes plus jeunes. Je n’en savais rien, mais je me suis souvenue d’un film et d’un gigolo, ensuite d’un autre film. J’ai répondu qu’il me semblait très rapide, que j’étais probablement la dame la plus âgée qu’il ait jamais connue. J’ai écrit encore que je croyais à la fidélité et à la loyauté, que je ne voyais rien de bon pour moi dans tout cela, vu son empressement. Il a décidé de disparaître, même si avec les rapides comme lui, on ne sait jamais.
Fernand m’avait écrit. Il avait trouvé Mars et sa voisine, qui doit valoir la peine, si son cœur brisé s’est fondu en grain de cire pour elle. Il aurait voulu qu’ils sortent ensemble. Pourquoi vient-il me demander la permission ? Soit, qu’il sorte. Mars prend sans questions tout ce dont il a besoin. Il n’a même pas l’idée de me demander quoi que ce soit. Se souvenait-il de moi ? Se souvenait-il de quoi ? Là, j’ai imprimé ses lettres anciennes pour que je puisse me rappeller aussi. Une fois que l’insomnie m’aura attrapée, il sera plus facile de les lire dans le lit. Sinon, ça me fait mal au dos, d’être toujours devant l’ordinateur, les pieds pétrifiés et froids. Comment je l’ai effrayé, me demande Fernand. Mais que des conneries masculines, Monsieur le coeur brisé ! La question correcte serait : pourquoi en a-t-il eu marre de moi ? Parce que mes lettres dégoulinaient de luxure. Parce que même quand j’étais en colère contre lui, je m’en excusais. Parce que quand il m’a montée, j’ai été glissante comme mousse de forêt après la pluie. Parce que je voulais qu’il me monte encore. Parce qu’il ne voulait pas parler, sauf dans ses lettres. J’étais seule. Parce que je suis seule, mais les hommes ne veulent pas qu’une femme crevée comme moi les assiège. Même sur le site ils l’avouaient. Ils voulaient que la femme soit douce, tendre, docile, qu’elle ne traîne pas son fardeau émotionnel, ou n’importe quel autre fardeau : du travail, des enfants, ou des ennuis financiers. Ils la cherchaient très légère et heureuse, prête pour un nouveau départ. Lol, mais vous, amateurs français ! Quelle femme qui soit faite de lumière, volatile comme le duvet du pissenlit, aurait perdu son temps sur le site pour lécher vos blessures ? Je voulais que Mars m’aime toute obsessionnelle, triste, jalouse et méfiante. Qu’il ait la force de me réconforter, et prenne soin de moi. Mais il en a eu assez de ce jeu, alors que moi, j’ai foiré sur la dose. Je me demande toujours quelle devait être la bonne proportion ? C’est pour Eve l’art culinaire. Elle sait comment faire, jette un clin d’oeil et dit, sans hésiter, qu’il faut un peu de fromage bleu dans la sauce. Elle est plus à la française que les Françaises. Je devais l‘écouter davantage.

Lilith, je suis fatigué et je m’ennuie, mais pas de toi. Ecoute, enfin ! Ne fais pas des drames si un jour je ne t’écris pas. J’ai été très occupé, j’ai une famille, des amis, ma maison, je fais du ménage, et même je fais du sport pour me débarrasser de mon ventre. S’il te plaît ne déchire pas ta chemise, ne couvre pas ta tête de cendres, parce que je ne suis pas mort et je ne suis allé nulle part, mais j’avais un autre travail aujourd’hui. Tu sais combien cela m’est pénible d’être sous pression pour t’écrire afin d’éviter le drame. Quant à ta question ? Que puis-je dire pour être direct, clair et ne pas mentir. Je n’envisage pas d’avoir une vie commune avec toi, mais je t’admire et j’ai du désir pour toi. Alors “aimer”, n’a donc pas dans ce cas son sens commun. Notre relation n’est pas ordinaire. Elle est inspirée de l’esprit plus que de la chair. Dans ce sens nous avons plutôt une histoire proustienne, c’est-à-dire dans l’esprit des écrits de Marcel Proust. Voilà ma réponse à ta question quant à savoir si je t’aime. Elle me semble assez claire et juste. Je t’embrasse, bien que te ne le mérites pas, la mégère bulgare, tu m’as tant peiné
Bon, ce n’est pas grave, je te rassure. Il vaut mieux que tu sois névrosée à cause d’un amour avec un Français qu’avec un Bulgare, c’est plus facile à vivre. Et puis, nous sommes de vieux amis, tu peux tout me dire et tout m’écrire, tu sais que je te comprends et que je t’absous de tout. La vie est comme ça, tu es attachée amoureusement à moi, et moi je te considère comme ma meilleure amie-amante, et même je peux dire au lieu de meilleure "unique". Et quand je te baise, ce n’est pas seulement charnel, c’est une manière de pénétrer dans ton esprit, quoique j’aime beaucoup jouir en toi, je n’exclus pas l’aspect physique de la pénétration. Bon, il faudrait quand même que tu fasses l’effort de me trouver une épouse bulgare car je crains que sinon, un jour ou l’autre, ce soit une Française qui prenne cette place et alors... je ne pourrais plus te baiser, même une fois l’an. C’est étonnant que tu n’aimes pas cette idée de me trouver une femme. Les maîtresses des rois de France s’ingéniaient toujours à pousser dans le lit de leur roi une femme par elles choisie, afin de conserver un certain pouvoir sur le roi. Mars

— Lilith, que dire d’elle ? Je l’ai rencontrée par hasard. C’est une longue histoire, Marc, et je n’aime pas trop en parler. Voilà, aujourd’hui Marie a été gentille de m’inviter dans sa maison, et puis je t’ai croisé. Je ne sais pas s’il y a un plan dans tout cela. Je ne le crois pas, mais parfois le hasard semble si cohérent que le sentiment qu’il ait été predestiné devient terrifiant. Probablement, je devais la rencontrer. Je parle de Lilith. Elle est toute passion, et agitée comme le mercure. C’est impossible de le récupérer, il est toujours brisé en mille éclats. Mais il brille et, c’est génial quand il se glisse partout. Un jour, je te parlerai d’elle. Etre avec une telle femme, c’est fatiguant.
Marie verse du vin, mais Marc a mis sa main sur son verre.
— Non, Marie. Je vais conduire un peu plus tard. J’ai du travail, je l’avais oublié, je dois prendre ma voiture. Je vais rester un petit moment avec vous près du feu. C’est tellement illusoire son magnétisme. Le feu nous a enfermé dans son cercle, bien que nous ne soyons que des inconnus. Bien sûr que toi, Marie, je te connais, mais tu gardes tes secrets ! Je ne veux pas pénétrer ton mystère. C’est mieux ainsi. Parfois, il n’y a rien sous la surface. Ma femme, tu la connais, elle s’en est juste allée. Elle s’est ennuyée de tout, même du fait que je voulais faire l’amour plusieurs fois par jour. Au début, cela lui plaisait, et après non. C’est un mystère, n’est-ce pas ?

Marc effleure les épaules de Marie, et elle se détend pour un instant sur son bras. Fernand ne veut pas en entendre davantage. Comme s’il était jaloux, et cette intimité avait quelque chose d’obscène, et l’avait giflé au visage. Il ne veut pas savoir comment soudainement quelqu’un faisait la lumière en lui pour que l’autre puisse le voir. C’était l’amour quand l’autre rayonnait. Marie lui semble étincelante dans le crépuscule. Lilith est embrasée par ce Marc et maintenant ses entrailles sont en feu. Son cerveau délirait, son corps était en attente d’être pris, conquis, obéi pour toujours. Fernand comprend qu’il y a une lumière brûlante qui irradie.
— Le feu ne sera pas en colère contre moi si je me retire légèrement, non ? Mais une femme obsédée de passion est aveugle et son feu s’attise de plus en plus violemment, je voudrais m’en protéger un peu. Elle n’entend pas qu’elle doit se calmer, seulement se détendre un peu, et ensuite elle obtiendra ce qu’elle veut. Mais la femme ne voit pas que l’homme se recule. Toi Marie, tu sais comment réchauffer sans brûler.
— J’ai eu un bon professeur, Marc. Et puis, tu ne sais rien de mes braises, celles que j’ai laissées derrière moi. Avant de s’éteindre, le feu brûle au plus fort, et après ce n’est qu’une chaleur qui pénètre profondément. Tu m’a rencontrée à cette époque, Marc. Fernand, tu es mal à l’aise, je le vois. Allez, tu vas rester ce soir chez moi, si tu veux. Détends-toi et ne pense plus !

Mars, les mots sont toujours un terrain glissant, les mots français pour moi, encore davantage. La complexité du monde, dis-tu, je ne la cherche pas. J’étais jeune et à cette époque j’ai lu beaucoup de livres, j’ai appris le français, c’est drôle, n’est-ce pas, je me demande bien pourquoi ? Je cherchais à apaiser mon anxiété. J’ai cru qu’il ne s’agissait que du travail. Je m’appliquais beaucoup, et imaginais que les livres détenaient la réponse qui m’échappait. Maintenant, je vois comment je me suis trompée. A dix-huit ans on sait déjà tout sur la vie. A cette époque l’air que je respirais était un fluide électrique. Ne dis pas que c’était un jeu des hormones. C’était un monde avant le Péché, avant la Culpabilité, avant que toutes les fautes soient commises. Pour ma vie, quoi te dire ? C’étais pas facile. Avec Adam c’était la guerre. De temps en temps j’allais avec lui dans les draps, mais après je ressentais la solitude, encore plus lourde. Aujourd’hui, nous sommes réconciliés, lui et moi. De vie sexuelle, depuis un certain temps, je n’en ai pas. Je n’ai jamais eu d’amants. Cela ressemble à une histoire de films d’horreur, un quelconque fanatisme. Une fois, j’ai été brièvement amoureuse d’un homme, mais ce n’était pas partagé. C’était douloureux, mais ma chair, inopinément, s’est réveillée. J’ai été tellement surprise. Mon corps implorait la petite mort de l’orgasme, comme vous l’appelez en France. Et je pense que ta théorie sur la sexualité est évasive. Si une fois, tu es mort de l’orgasme, tu le peux toujours. Lilith

Mars s’est fermement retranché. Il n’y avait aucun moyen de le faire sortir de son silence. Je préparais mon exécution. Elle aurait été un beau spectacle. C’est vrai, que j’aime aussi être rejetée telle une brisure humaine, méduse séchant sur le sable après les ébats amoureux de la mer. Je pense même, c’est bon. Je suis sur la terre, elle est solide. Peut-être un autre sera rejeté ici. On pourrait fonder un petit cercle, une société même. Nous pouvons commencer à construire des châteaux de sable sur la plage, et jouer comme des enfants. Cela serait quelque chose comme le club des alcooliques anonymes. Nous allons nous saluer :
— Bonjour ! Je suis Lilith et je suis coincée ici à cause d’un coeur brisé !
— Salut, Lilith ! - répondraient les autres.
J’ai tant de mots à dire. Ils sont comme le sable, m’ont bouchée, et m’étouffent. Qui sait ? C’est possible qu’Adam soit rejeté ici. Ou mieux, que ce soit Mars. Les plans de Celui qui est dessous sont inconnus, et sans raison aucune, on peut se croiser avec mon amant francais, tous couverts de blessures, mais pleins de lucidité.

MARS, JE PENSE QUE JE SUIS AMOUREUSE !

Je n’étais pas préparée pour la tristesse. Elle nous attrape par derrière, en serrant à la gorge, puis s’installe dans le cœur. On a de la chance si elle ne nous habite pas pour l’éternité. Richard a disparu quelque part. Pourquoi perd-il son temps à réfflechir comme Mars ? Richard est jeune, prêt à tout essayer. Son appétit est bon, et il a un estomac omnivore, quant à ses préférences, elles sont bien définies. Pourquoi se tourmente-t-il alors que je l’avais laissé de coté ? Sans doute a-t-il été surpris de me reconnaître comme une Lilith défleurie, passionnément courtisée, mais pleine de préjugés. Eve en moi parfois prend trop de place. Sinon, avec Mars nous sommes passés au vouvoiement. Pour mon français ce n’est pas bien du tout. Je venais juste de m’habituer à utiliser la formule de politesse, mais c’est quand même vrai, qu’un “tu” intime créé de jolies illusions dans la relation. Mars m’envoie un poème qui est inspiré et blessant à la fois, une intimité, partagée avec moi à une autre époque. Il l’avait écrit à une autre, à sa muse. Mars avait été son poète, elle — la femme, celle qui avait rougi, mais avait réalisé tous ses fantasmes. Elle avait commis le crime avec un autre, avec beaucoup d’autres. Maintenant, il se moquait de sa douleur. Ne savait-il pas que les femmes timides étaient les plus effrénées au lit ? Avant Eve, Adam ne le savait pas. Maintenant, à cause de ce poème, Mars est gêné de me faire du mal, comme à l’époque où il affirmait ne pas pouvoir me dire si j’étais belle, car on pouvait se tromper sur une photo, et il n’était pas certain que ce soit bien la mienne. Surtout en raison d’une affaire avec une jeune femme qui sur sa photo était comme une Vénus Callypige, c’est-à-dire, aux belles fesses. Il ne connaissait pas mon petit trésor, je parle de mes fesses, rondes comme une pleine lune, petites juste pour satisfaire ses mains, lisses comme une pomme. Mais à l’époque il n’en savait rien, et faisait la moue comme si j’étais un dessert aigre. Pourtant, il ne m’avait pas encore connue dans le sens biblique, mais ensuite cela n’a rien changé. Je me demande quel était le secret d’Eve ? Mars avait fait plus de deux mille kilomètres, juste pour voir le cul d’une Eve Callypige. Je ne pouvais pas me réjouir de cela, et la déception est restée en lui comme une épine dans son talon, comme l’os dans la gorge, car autrement, la femme a été gentille, mais Mars avait été trompé sur le physique. Quant à moi, je suis une mégère, une bagarreuse, une pie-grièche. Je le regarde dans les yeux, je suis sans honte et ne rougis pas. Parce que je n’ai pas de pensées sales, rien à me reprocher, pourquoi devrais-je avoir honte ? Même quand je pense à son membre je ne rougis pas. Je regarde la photo de son inspiration gonflée, et je mange sur le pouce du raisin jaune. Ses graines sont enflées, pleines de tentation. Je joue avec l’une d’elles entre mes dents. Sa peau est lisse, de l’élasticité dure de la lance de Mars. Je suis hardie, je veux qu’il ressente que je le tiens entre mes dents, que le contrôle est sur ma langue, que mes lèvres peuvent le faire gémir en spasmes de délectation, que je peux lui faire poser ma main sur son désir endurci, sur sa tige vibrante. Je serre doucement avec mes dents et le jus de raisin envahit ma bouche. Mars ne résiste pas plus, et son plaisir refroidit ma gorge. C’était ainsi, tout a commencé ainsi. Selon Eve, je lui écrivais d’une manière débridée, et c’était pour cela qu’il ne serait jamais venu me voir, mais j’avais juste déversé ma faim d’une novice de monastère, d’une sainte, d’une religieuse qui portait une ceinture de chasteté. Eve ne comprend pas.

Une Française ne cesse pas de parler au téléphone. Elle est blonde, et mes illusions sur la belle brune aux petits seins dans les mains d’Alain Delon s’évaporent instantanément. La Eve française est toute levée comme une pâte, bondie de ses vêtements comme gâteaux du moule, comme une brioche de Pâques, tandis je suis repliée sur moi près de la fenêtre, essayant d’arrêter les battements de mon cœur. Il s’affole. Je ne le veux pas dans mes oreilles. Un Bulgare aviné me regarde avec convoitise lorsqu’on nous fait monter dans l’avion. Il s’est arrosé, imbibé comme une éponge avec de l’alcool gratuit et pue de la parfumerie chère d’échantillons, donc c’est un resquilleur. Il pense que je vis à Paris. Soit, qu’il le pense. J’essaie de ne pas le regarder pas dans les yeux, car me sauterait-il dessus ? La blonde Marianne continue de parler en français. Je n’y comprend rien. Un Japonais fait des mots croisés, et la femme avec l’orthèse du poignet prend place à côté de moi. L’avion décolle. Je n’ose pas commander du vin. La femme est fragile, l’air fatigué. Elle ressort un journal de son sac. C’est un de ses journaux populaires bulgares avec des recettes de grands-mères. La femme tient un stylo dans la main, ses ongles sont rouges, un peu tordus. Elle partait chez son amant. Ce rite durait depuis des années. Il l’a poussée au mariage, mais elle ne pouvait pas rester plus de deux mois chez lui. Au coeur de la civilisation il n’y avait personne qui aurait bu un verre d’eau de vie avec elle, et bavardé sans retenue. Il l’aimait. C’était un homme gentil, mais comment faire pour qu’un Français devienne un Bulgare, qui lui aurait acheté des cigarettes, juste pour le plaisir et sans marmonner que c’était nuisible à la santé.

— Moi ? Je vais voir un ami, eh bien, il est plus qu’un ami. Je réponds gentiment.
La femme me confesse que depuis quelque temps elle se sent ruinée, et puis me fait un clin d’oeil espiègle. Je ne devais pas manquer ce moment exquis, et le prendre sans peur. Les traits tirés de son visage, c’était le vieillissement, mais on ne pouvait rien y faire, ni les hormones ni les crèmes pour le visage, rien n’y faisait. Même si elle avait arrêté de fumer, cela n’aurait servi à rien. Je lui semblais presque une jeunette, toujours verte, élancée et fluette, et mon visage était encore rond. Ce Français qui m’aurait recue, mais il aurait dû allumer une chandelle dans l’église et dire merci à Dieu pour moi. Je ris. Son bavardage me relâche, et me détourne de mes pensées de Mars qui m’attend à Paris.

Lilith, les photos de ton dos nu et de tes fesses rebondies m’ont troublé très fort. Que tu es belle ainsi, j’ai le désir de faire une peinture de cette dernière photo, elle est magnifique, avec la lumière que tamise le voile blanc et au fond de la chambre, une femme de dos, nue, avec la raie de ses fesses qui est sombre et appelle le voyeur à s’introduire en elle sans la réveiller. Elle dort, elle vit, sa vie est évidente car sa main ne tombe pas mais reste suspendue. J’ai un désir très fort de te planter mon dard dans ton derrière. C’est affreux, je crois que la jeunesse ne veut pas disparaître de ma vie, grâce à tes photos et à tes lettres. Tu es une petite sorcière, Lilith ! Ah, j’ai très envie de toi, tu exagères de me donner autant de désir ! Je ne peux pas me caresser chaque jour en pensant à toi, je retombe dans l’enfance !
Je crois que je vais tenter de faire des photos comme les tiennes, mais ce sera difficile, tu es une artiste de la photo. Les fais-tu vraiment seule ? Le cadrage est si parfait, la lumière aussi. Et le modèle, ah le modèle ! J’ai envie de le retourner, d’admirer son vagin ouvert. Maintenant, il faut que tu fasses encore une photo, celle de l’‘origine du monde’ ! Tu connais ce tableau de Courbet. Je veux voir ton origine du monde, ouverte, ou bien quand une urine blonde s’en écoule comme une cataracte. Je veux que tu fasses une photo ainsi, tu veux bien ? Je deviens un peu fou, jamais je n’ai eu de tels désirs !
Tu me questionnes sur mes dessins, je ne les aime pas trop à vrai dire. Je ne me reconnais pas trop. J’avais fait un dessin de mes quinze ans, mais hélas je ne l’ai plu. Il était plus véridique car je ne me reproduisais pas en me regardant dans un miroir mais de mémoire. Sur ceux-ci, je me regardais dans un miroir et je crois que la réflexivité me renvoie une image qui n’est pas la mienne. A trente-cinq ans, j’étais assez mignon, à cinquante j’étais très maigre, émacié. Aujourd’hui mes joues sont pleines, je me trouve plus sympathique malgré les rides.
Et toi, je veux boire à la source de l’origine de mes fantasmes ta bière blonde qui s’écoulera pour moi.
Ton amant t’embrasse et te baise. Mars


— Je vais rester deux jours pour le week-end, dis-je à la femme qui est toujours agitée. Elle est enthousiasmée en revivant à travers moi sa peur, son passsé, le début de son histoire, sa première fois, et après le tendre calme de la routine, de l’ennui. Comme si j’avais gratté une allumette, le souvenir sifflait, rampait sur la mèche, jetait des étincelles pour s’éteindre enfin. Comment lui dire que Mars n’était ni brutal ni pervers. Il m’avait écrit avant que je parte que je ne devais pas avoir peur. Ensuite, il avait recommencé à aller sur le site d’amour et la jalousie rongeait mon cœur. J’ai même été prête à me faire rembourser mon billet, à ne pas partir. Du moins, j’y avais pensé. Mais je savais depuis toujours que j’allais tomber comme un fruit mûr dans ses mains.
— Je vais prendre un peu de vin rouge.
L’hôtesse sourit et m’apporte la bouteille. Je suis pressée de la boire comme un remède contre la peur. Adam est déja dans le passé. L’espérance froisse mes entrailles comme une chrysalide de papillon, attendant de voir la lumière. J’ai pensé que tout ce que je voulais, c’était Mars, et que j’étais libre, enfin. Je me demandais comment je pourrais aimer un homme sans jamais l’avoir vu en vrai.

Paris était blanc sous mes pieds. Depuis le ciel, il ressemblait à une énorme tarte coupée en parts triangulaires pour le bal des amants. Ce n’était pas facile d’obtenir une invitation pour la fête.

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