Il fait très chaud. Depuis ce matin et comme souvent le Théâtre Hakawati est investi par des troupes d’enfants qui fêtent la fin de l’année. Les répétitions avec Adel Hakim se font au son des tambours des enfants. Vers quinze heures, un bruit d’hélicoptères couvre la ville. Je me renseigne. C’est aujourd’hui la fête de Yom Yeroushalaïm, qui célèbre la « réunification » de la ville en 1967. Des groupuscules extrémistes profitent de cette occasion pour réclamer l’annexion des quartiers arabes de la ville. Je quitte le théâtre en vitesse. Je descends la rue de Naplouse. D’habitude dans ce secteur oriental de la ville on ne croise pratiquement pas de gens en kippa. Mais là, à l’angle de l’hôtel Legacy, une assemblée de colons fait la fête, entourée par une ceinture de soldats. En bas, je tombe sur ce spectacle incroyable, la porte de Damas qui est l’ultime enclave palestinienne de la ville n’est plus qu’une marée de drapeaux bleus et blancs. L’accès à la porte est interdit par des barrières bleues et derrière des soldats et la cavalerie.
Un secouriste me prévient :
— Monsieur, la vieille ville est interdite aux non-Juifs jusqu’à 21 heures.
À ma gauche un groupe de manifestants palestiniens chante au nez des soldats que Jérusalem est le cœur de la Palestine.
Un couple d’Australiens exhibe son passeport en criant qu’ils sont chrétiens et qu’ils veulent visiter le Saint Sépulcre. L’officier leur fait non de la tête.
Dans le ciel bleu, flotte un dirigeable blanc truffé de micros et de caméras. J’ai beaucoup de mal à admettre cette réalité.
De l’autre côté de la barrière, un officier barbu, très brun, calme ses hommes. Des adolescents palestiniens secouent les barrières, tentent de les enjamber et lui crient à maintes reprises :
— Mais toi on te connait, on connaît ton père, tu es arabe pourquoi tu parles en hébreu ?
L’officier druze fait la sourde oreille. Les gamins le traitent de tous les noms d’oiseaux. A la fin il s’avance vers eux, le doigt sur la gâchette de son fusil mitrailleur pour leur parler en arabe :
— Vous savez pourquoi je ne parle pas en arabe ? Juste pour ne pas être pris pour un animal par les Juifs.
Il pensait sûrement au vice-ministre de la défense, Rabbi Eli Ben Dahan qui a déclaré que « les Palestiniens sont des bêtes, ils ne sont pas des êtres humains, ils ne méritent pas de vivre ».
Photos © Mohamed Kacimi
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