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Russes, encore un effort si vous voulez être républicains (et Libérons les Pussy Riot !) 

Русские, другое усилие, если вы хотите быть республиканскими (и позволяют нам освобождать Pussy Riot !)

vendredi 17 août 2012, par Vladimir Patine

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Je viens offrir de grandes idées : on les écoutera, elles seront réfléchies ; si toutes ne plaisent pas, au moins en restera-t-il quelques-unes ; j’aurai contribué en quelque chose au progrès des lumières, à l’instar de la Grande Catherine II et j’en serai content. Je ne le cache point, c’est avec peine que je vois la lenteur avec laquelle nous tâchons d’arriver au but ; c’est avec inquiétude que je sens que nous sommes à la veille de le manquer encore une fois. Croit-on que ce but sera atteint quand on nous aura donné des lois ? Qu’on ne l’imagine pas. Que ferions nous de lois, sans religion ? Il nous faut un culte et un culte fait pour le caractère d’un républicain, bien éloigné de jamais pouvoir reprendre celui de Rome. Dans un siècle où nous sommes aussi convaincus que la religion doit être appuyée sur la morale, et non pas la morale sur la religion, il faut une religion qui aille aux mœurs, qui en soit comme le développement, comme la suite nécessaire, et qui puisse, en élevant l’âme, la tenir perpétuellement à la hauteur de cette liberté précieuse dont elle fait aujourd’hui son unique idole. Or, je demande si l’on peut supposer que celle d’un esclave de Titus, que celle d’un vil histrion de Judée, puisse convenir à une nation libre et guerrière qui vient de se régénérer ? Non, mes compatriotes, non, vous ne le croyez pas. Si, malheureusement pour lui, le Russe s’ensevelissait encore dans les ténèbres du christianisme, d’un côté l’orgueil, la tyrannie, le despotisme des prêtres, vices toujours renaissant dans cette horde impure, de l’autre la bassesse, les petites vues, les platitudes des dogmes et des mystères de cette indigne et fabuleuse religion, en émoussant la fierté de l’âme républicaine, l’auraient bientôt ramenée sous le joug que son énergie vient de briser. Ne perdons pas de vue que cette puérile religion était une des meilleures armes aux mains de nos tyrans : un de ses premiers dogmes était de rendre à Csar ce qui appartient à Csar ; mais nous avons détrôné le Csar et nous ne voulons plus rien lui rendre. Russes, ce serait en vain que vous vous flatteriez que l’esprit d’un clergé assermenté ne doit plus être celui d’un clergé réfractaire ; il est des vices d’état dont on ne se corrige jamais. Avant dix ans, au moyen de la religion chrétienne, de sa superstition, de ses préjugés, vos prêtres, malgré leur serment, malgré leur pauvreté, reprendraient sur les âmes l’empire qu’ils avaient envahi ; ils vous réenchaîneraient à des rois, parce que la puissance de ceux-ci étaya toujours celle de l’autre, et votre édifice républicain s’écroulerait, faute de bases.

O vous qui avez la faux à la main, portez le dernier coup à l’arbre de la superstition ; ne vous contentez pas d’élaguer les branches ; déracinez tout à fait une plante dont les effets sont si contagieux ; soyez parfaitement convaincus que votre système de liberté et d’égalité contrarie trop ouvertement les ministres des autels du Christ pour qu’il en soit jamais un seul, ou qui l’adopte de bonne foi ou qui ne cherche pas à l’ébranler, s’il parvient à reprendre quelque empire sur les consciences. Quel sera le prêtre qui, comparant l’état où l’on vient de le réduire avec celui dont il jouissait autrefois, ne fera pas tout ce qui dépendra de lui pour recouvrer et la conscience et l’autorité qu’on lui a fait perdre ? Et que d’êtres faibles et pusillanimes redeviendront bientôt les esclaves de cet ambitieux tonsuré ! Pourquoi n’imagine-t-on pas que les inconvénients qui ont existé peuvent encore renaître ? Dans l’enfance de l’église chrétienne, les prêtres n’étaient-ils pas ce qu’ils sont aujourd’hui ? Vous voyez où ils étaient parvenus : qui, pourtant, les avaient conduits là ? N’étaient-ce pas les moyens que leur fournissait la religion ? Or, si vous ne la défendez pas absolument, cette religion, ceux qui la prêchent, ayant toujours les mêmes moyens, arriveront bientôt au même but.

Anéantissez donc à jamais tout ce qui peut détruire un jour votre ouvrage. Songez que, le fruit de vos travaux n’étant réservés qu’à vos neveux, il est de votre devoir, de votre probité, de ne leur laisser aucun de ces germes dangereux qui pourraient les replonger dans le chaos dont nous avons tant de peine à sortir. Déjà nos préjugés se dissipent, déjà le peuple abjure les absurdités orthodoxes ; il a déjà supprimé les temples, il a culbuté les idoles, il est convenu que le mariage n’est plus qu’un acte civil ; les confessionnaux brisés servent aux foyers publics ; les prétendus fidèles, désertant le banquet apostolique, laissent les dieux de farine aux souris. Russes, ne vous arrêtez point : l’Europe entière, une main déjà sur le bandeau qui fascine ses yeux, attend de vous l’effort qui doit l’arracher de son front.

Russes, je vous le répète, l’Europe attend de vous d’être à la fois délivrée du sceptre et de l’encensoir. Songez qu’il vous est impossible de l’affranchir de la tyrannie impériale sans lui faire briser en même temps les freins de la superstition religieuse : les liens de l’une sont trop intimement unis à l’autre pour qu’en laissant subsister un des deux vous ne retombiez pas bientôt sous l’empire de celui que vous aurez négligé de dissoudre. Ce n’est plus ni aux genoux d’un être imaginaire ni à ceux d’un vil imposteur qu’un républicain doit fléchir ; ses uniques dieux doivent être maintenant le courage et la liberté. Rome disparut dès que le christianisme s’y prêcha, et la Russie est perdue s’il s’y révère encore. Qu’on examine avec attention les dogmes absurdes, les mystères effrayants, les cérémonies monstrueuses, la morale impossible de cette dégoûtante religion, et l’on verra si elle peut convenir à une république. Croyez-vous de bonne foi que je me laisserais dominer par l’opinion d’un homme que je viendrais de voir aux pieds de l’imbécile prêtre de Jésus ? Non, non, certes ! Cet homme, toujours vil, tiendra toujours, par la bassesse de ses vues, aux atrocités de l’ancien régime ; dès lors qu’il put se soumettre aux stupidités d’une religion aussi plate que celle que nous avions la folie d’admettre, il ne peut plus ni me dicter des lois ni me transmettre des lumières ; je ne le vois plus que comme un esclave des préjugés et de la superstition.

Jetons les yeux, pour nous convaincre de cette vérité, sur le peu d’individus qui restent attachés au culte insensé de nos pères ; nous verrons si ce ne sont pas tous des ennemis irréconciliables du système à venir, nous verrons si ce n’est pas dans leur nombre qu’est entièrement comprise cette caste, si justement méprisée, de tsaristes et d’aristocrates. Que l’esclave d’un brigand couronné fléchisse, s’il le veut, aux pieds d’une idole de pâte, un tel objet est fait pour son âme de boue ; qui peut servir des tsars doit adorer des dieux ! Mais nous, Russes, mais nous, mes compatriotes, nous, ramper encore humblement sous des freins aussi méprisables ? plutôt mourir mille fois que de nous y asservir de nouveau ! Puisque nous croyons un culte nécessaire, imitons celui des Romains : les actions, les passions, les héros, voilà quels en étaient les respectables objets. De telles idoles élevaient l’âme, elles l’électrisaient ; elles faisaient plus : elles lui communiquaient les vertus de l’être respecté. L’adorateur de Minerve voulait être prudent. Le courage était dans le cœur de celui qu’on voyait aux pieds de Mars. Pas un seul dieu de ces grands hommes n’était privé d’énergie ; tous faisaient passer le feu dont ils étaient eux-mêmes embrasés dans l’âme de celui qui les vénérait ; et, comme on avait l’espoir d’être adoré soi-même un jour, on aspirait à devenir au moins aussi grand que celui qu’on prenait pour modèle. Mais que trouvons-nous au contraire dans les vains dieux du christianisme ? Que vous offre, je le demande, cette imbécile religion ? Le plat imposteur de Nazareth vous fait-il naître quelques grandes idées ? Sa sale et dégoûtante mère, l’impudique Marie, vous inspire t-elle quelques vertus ? Et trouvez-vous dans les saints dont est garni son Élysée quelque modèle de grandeur, ou d’héroïsme, ou de vertus ? Il est si vrai que cette stupide religion ne prête rien aux grandes idées, qu’aucun artiste ne peut en employer les attributs dans les monuments qu’il élève ; à Rome même, la plupart des embellissements ou des ornements du palais des papes ont leurs modèles dans le paganisme, et tant que le monde subsistera, lui seul échauffera la verve des grands hommes. Sera-ce dans le théisme pur que nous trouverons plus de motifs de grandeur et d’élévation ? Sera-ce l’adoption d’une chimère qui, donnant à notre âme ce degré d’énergie essentiel aux vertus républicaines, portera l’homme à les chérir ou à les pratiquer ? Ne l’imaginons pas ; on est revenu de ce fantôme, et l’athéisme est à présent le seul système de tous les gens qui savent raisonner. A mesure que l’on s’est éclairé, on a senti que, le mouvement étant inhérent à la matière, l’agent nécessaire à imprimer ce mouvement devenait un être illusoire et que, tout ce qui existait devant être en mouvement par essence, le moteur était inutile ; on a senti que ce dieu chimérique, prudemment inventé par les premiers législateurs, n’était entre leurs mains qu’un moyen de plus pour nous enchaîner, et que, se réservant le droit de faire parler seul ce fantôme, ils sauraient bien ne lui faire dire que ce qui viendrait à l’appui des lois ridicules par lesquelles ils prétendaient nous asservir. Lycurgue, Numa, Moïse, Jésus-Christ, Mahomet, tous ces grands fripons, tous ces grands despotes de nos idées, surent associer les divinités qu’ils fabriquaient à leur ambition démesurée, et, certains de captiver les peuples avec la sanction de ces dieux, ils avaient, comme on sait, toujours soin ou de ne les interroger qu’à-propos, ou de ne leur faire répondre que ce qu’ils croyaient pouvoir les servir.

Tenons donc aujourd’hui dans le même mépris et le dieu vain que des imposteurs ont prêché, et toutes les subtilités religieuses qui découlent de sa ridicule adoption ; ce n’est plus avec ce hochet qu’on peut amuser des hommes libres. Que l’extinction totale des cultes entre donc dans les principes que nous propageons dans l’Europe entière. Ne nous contentons pas de briser les sceptres ; pulvérisons à jamais les idoles : il n’y eut jamais qu’un pas de la superstition à l’impérialisme. Il faut bien que cela soit, sans doute, puisqu’un des premiers articles du sacre des rois était toujours le maintien de la religion dominante, comme une des bases politiques qui devaient le mieux soutenir leur trône. Mais dès qu’il est abattu, ce trône, dès qu’il l’est heureusement pour jamais, ne redoutons point d’extirper de même ce qui en formait les appuis. Oui, citoyens, la religion est incohérente au système de la liberté ; vous l’avez senti. Jamais l’homme libre ne se courbera près des dieux du Christianisme ; jamais ses dogmes, jamais ses rites, ses mystères ou sa morale ne conviendront à un républicain. Encore un effort ; puisque vous travaillez à détruire tous les préjugés, n’en laissez subsister aucun, s’il n’en faut qu’un seul pour les ramener tous. Combien devons-nous être plus certains de leur retour si celui que vous laissez vivre est positivement le berceau de tous les autres ! Cessons de croire que la religion puisse être utile à l’homme. Ayons de bonnes lois, et nous saurons nous passer de religion. Mais il en faut une au peuple, assure-t-on ; elle l’amuse, elle le contient. A la bonne heure !

Donnez-nous donc, en ce cas, celle qui convient à des hommes libres. Rendez-nous les dieux du paganisme. Nous adorerons volontiers Jupiter, Hercule ou Pallas ; mais nous ne voulons plus du fabuleux auteur d’un univers qui se meut lui-même ; nous ne voulons plus d’un dieu sans étendue et qui pourtant remplit tout de son immensité, d’un dieu tout-puissant et qui n’exécute jamais ce qu’il désire, d’un être souverainement bon et qui ne fait que des mécontents, d’un être ami de l’ordre et dans le gouvernement duquel tout est en désordre. Non, nous ne voulons plus d’un dieu qui dérange la nature, qui est le père de la confusion, qui meut l’homme au moment où l’homme se livre à des horreurs ; un tel dieu nous fait frémir d’indignation, et nous le reléguons pour jamais dans l’oubli.

Russes, à cet indigne fantôme, substituons les simulacres imposants qui rendaient Rome maîtresse de l’univers ; traitons toutes les idoles chrétiennes comme nous avons traité celles de nos rois. Nous avons replacé les emblèmes de la liberté sur les bases qui soutenaient autrefois des tyrans ; réédifions de même l’effigie des grands hommes sur les piédestaux de ces polissons adorés par le Christianisme. Cessons de redouter, pour nos campagnes, l’effet de l’athéisme ; les paysans n’ont-ils pas senti la nécessité de l’anéantissement du culte orthodoxe, si contradictoire aux vrais principes de la liberté ? N’ont-ils pas vu sans effroi, comme sans douleur, culbuter leurs autels et leurs presbytères ? Ah ! croyez qu’ils renonceront de même à leur ridicule dieu. Les statues de Mars, de Minerve et de la Liberté seront mises aux endroits les plus remarquables de leurs habitations ; une fête annuelle s’y célébrera tous les ans ; la couronne civique y sera décernée au citoyen qui aura le mieux mérité de la Patrie. A l’entrée d’un bois solitaire, Vénus, l’Hymen et l’Amour, érigés sous un temple agreste, recevront l’hommage des amants ; là, ce sera par la main des Grâces que la beauté couronnera la constance. Il ne s’agira pas seulement d’aimer pour être digne de cette couronne, il faudra encore avoir mérité de l’être : l’héroïsme, les talents, l’humanité, la grandeur d’âme, un civisme à l’épreuve, voilà les titres qu’aux pieds de sa maîtresse sera forcé d’établir l’amant, et ceux-là vaudront bien ceux de la naissance et de la richesse, qu’un sot orgueil exigeait autrefois. Quelques vertus au moins écloront de ce culte, tandis qu’il ne naît que des crimes de celui que nous avons eu la faiblesse de professer. Ce culte s’alliera avec la liberté que nous servons ; il l’animera, l’entretiendra, l’embrasera, au lieu que le théisme est par son essence et par sa nature le plus mortel ennemi de la liberté que nous servons. En coûta-t-il une goutte de sang quand les idoles païennes furent détruites sous le Bas-Empire ? La révolution, préparée par la stupidité d’un peuple redevenu esclave, s’opéra sans le moindre obstacle. Comment pouvons-nous redouter que l’ouvrage de la philosophie soit plus pénible que celui du despotisme ? Ce sont les prêtres seuls qui captivent encore aux pieds de leur dieu chimérique ce peuple que vous craignez tant d’éclairer ; éloignez-les de lui et le voile tombera naturellement. Croyez que ce peuple, bien plus sage que vous ne l’imaginez, dégagé des fers de la tyrannie, le sera bientôt de ceux de la superstition. Vous le redoutez s’il n’a pas ce frein : quelle extravagance ! Ah ! croyez-le, citoyens, celui que le glaive matériel des lois n’arrête point ne le sera pas davantage par la crainte morale des supplices de l’enfer, dont il se moque depuis son enfance. Votre religion, en un mot, a fait commettre beaucoup de forfaits, mais il n’en arrêta jamais un seul. S’il est vrai que les passions aveuglent, que leur effet soit d’élever sur nos yeux un nuage qui nous déguise les dangers dont elles sont environnées, comment pouvons-nous supposer que ceux qui sont loin de nous, comme le sont les punitions annoncées par votre Dieu, puissent parvenir à dissiper ce nuage que ne peut dissoudre le glaive même des lois toujours suspendu sur les passions ? S’il est donc prouvé que ce supplément de freins imposé par l’idée d’un dieu devienne inutile, s’il est démontré qu’il est dangereux par ses autres effets, je demande à quel usage il peut donc servir, et de quels motifs nous pourrions nous appuyer pour en prolonger l’existence. Me dira-t-on que nous ne sommes pas assez mûrs pour consolider encore notre révolution d’une manière aussi éclatante ? Ah ! mes concitoyens, le chemin que nous avons fait depuis 1917 était bien autrement difficile que celui qui nous reste à faire, et nous avons bien moins à travailler l’opinion, dans ce que je vous propose, que nous ne l’avons tourmentée en tout sens depuis l’époque du cuirassé Potemkine. Croyons qu’un peuple assez sage, assez courageux pour conduire un monarque impudent du faîte des grandeurs aux pieds de l’échafaud ; qui dans ce peu d’années sut vaincre autant de préjugés, sut briser tant de freins ridicules, le sera suffisamment pour immoler au bien de la chose, à la prospérité de la république, un fantôme bien plus illusoire encore que ne pouvait l’être celui d’un roi.

Russes, vous frapperez les premiers coups : votre éducation nationale fera le reste ; mais travaillez promptement à cette besogne ; qu’elle devienne un de vos soins les plus importants ; qu’elle ait surtout pour base cette morale essentielle, si négligée dans l’éducation religieuse. Remplacez les sottises déifiques, dont vous fatiguiez les jeunes organes de vos enfants, par d’excellents principes sociaux ; qu’au lieu d’apprendre à réciter de futiles prières qu’ils se feront gloire d’oublier dès qu’ils auront seize ans, ils soient instruits de leurs devoirs dans la société ; apprenez-leur à chérir des vertus dont vous leur parliez à peine autrefois et qui, sans vos fables religieuses, suffisent à leur bonheur individuel ; faites-leur sentir que ce bonheur consiste à rendre les autres aussi fortunés que nous désirons l’être nous-mêmes. Si vous asseyez ces vérités sur des chimères chrétiennes, comme vous aviez la folie de le faire autrefois, à peine vos élèves auront-ils reconnu la futilité des bases qu’ils feront crouler l’édifice, et ils deviendront scélérats seulement parce qu’ils croiront que la religion qu’ils ont culbutée leur défendait de l’être. En leur faisant sentir au contraire la nécessité de la vertu uniquement parce que leur propre bonheur en dépend, ils seront honnêtes gens par égoïsme, et cette loi qui régit tous les hommes sera toujours la plus sûre de toutes. Que l’on évite donc avec le plus grand soin de mêler aucune fable religieuse dans cette éducation nationale. Ne perdons jamais de vue que ce sont des hommes libres que nous voulons former et non de vils adorateurs d’un dieu. Qu’un philosophe simple instruise ces nouveaux élèves des sublimités incompréhensibles de la nature ; qu’il leur prouve que la connaissance d’un dieu, souvent très dangereuse aux hommes, ne servit jamais à leur bonheur, et qu’ils ne seront pas plus heureux en admettant, comme cause de ce qu’ils ne comprennent pas, quelque chose qu’ils comprendront encore moins ; qu’il est bien moins essentiel d’entendre la nature que d’en jouir et d’en respecter les lois ; que ces lois sont aussi sages que simples ; qu’elles sont écrites dans le cœur de tous les hommes, et qu’il ne faut qu’interroger ce cœur pour en démêler l’impulsion. S’ils veulent qu’absolument vous leur parliez d’un créateur, répondez que les choses ayant toujours été ce qu’elles sont, n’ayant jamais eu de commencement et ne devant jamais avoir de fin, il devient aussi inutile qu’impossible à l’homme de pouvoir remonter à une origine imaginaire qui n’expliquerait rien et n’avancerait à rien. Dites-leur qu’il est impossible aux hommes d’avoir des idées vraies d’un être qui n’agit sur aucun de nos sens.

Toutes nos idées sont des représentations des objets qui nous frappent ; qu’est-ce qui peut nous représenter l’idée de Dieu, qui est évidemment une idée sans objet ? Une telle idée, leur ajouterez-vous, n’est-elle pas aussi impossible que des effets sans cause ? Une idée sans prototype est-elle autre chose qu’une chimère ? Quelques docteurs, poursuivrez-vous, assurent que l’idée de Dieu est innée, et que les hommes ont cette idée dès le ventre de leur mère. Mais cela est faux, leur ajouterez-vous ; tout principe est un jugement, tout jugement est l’effet de l’expérience, et l’expérience ne s’acquiert que par l’exercice des sens ; d’où suit que les principes religieux ne portent évidemment sur rien et ne sont point innés. Comment, poursuivrez-vous, a-t-on pu persuader à des êtres raisonnables que la chose la plus difficile à comprendre était la plus essentielle pour eux ? C’est qu’on les a grandement effrayés ; c’est que, quand on a peur, on cesse de raisonner ; c’est qu’on leur a surtout recommandé de se défier de leur raison et que, quand la cervelle est troublée, on croit tout et n’examine rien. L’ignorance et la peur, leur direz-vous encore, voilà les deux bases de toutes les religions. L’incertitude où l’homme se trouve par rapport à son Dieu est précisément le motif qui l’attache à sa religion. L’homme a peur dans les ténèbres, tant au physique qu’au moral ; la peur devient habituelle en lui et se change en besoin : il croirait qu’il lui manque quelque chose s’il n’avait plus rien à espérer ou à craindre. Revenez ensuite à l’utilité de la morale : donnez-leur sur ce grand objet beaucoup plus d’exemples que de leçons, beaucoup plus de preuves que de livres et vous en ferez de bons citoyens ; vous en ferez de bons guerriers, de bons pères, de bons époux ; vous en ferez des hommes d’autant plus attachés à la liberté de leur pays qu’aucune idée de servitude ne pourra plus se présenter à leur esprit, qu’aucune terreur religieuse ne viendra troubler leur génie. Alors le véritable patriotisme éclatera dans toutes les âmes ; il y régnera dans toute sa force et dans toute sa pureté, parce qu’il y deviendra le seul sentiment dominant, et qu’aucune idée étrangère n’en attiédira l’énergie ; alors, votre seconde génération est sûre, et votre ouvrage, consolidé par elle, va devenir la loi de l’univers. Mais si, par crainte ou pusillanimité, ces conseils ne sont pas suivis, si l’on laisse subsister les bases de l’édifice que l’on avait cru détruire, qu’arrivera-t-il ? On rebâtira sur ces bases, et l’on y placera les mêmes colosses, à la cruelle différence qu’ils y seront cette fois cimentés d’une telle force que ni votre génération ni celles qui la suivront ne réussiront à les culbuter.

Qu’on ne doute pas que les religions ne soient le berceau du despotisme ; le premier de tous les despotes fut un prêtre ; le premier roi et le premier empereur de Rome, Numa et Auguste, s’associent l’un et l’autre au sacerdoce ; Héliogabale fut prêtre du Soleil. De tous les temps, dans tous les siècles, il y eut dans le despotisme et dans la religion une telle connexité qu’il reste plus que démontré qu’en détruisant l’un, l’on doit saper l’autre, par la grande raison que le premier servira toujours de loi au second. Je ne propose cependant ni massacres ni exportations ; toutes ces horreurs sont trop loin de mon âme pour oser seulement les concevoir une minute. Non, n’assassinez point, n’exportez point : ces atrocités sont celles des rois ou des scélérats qui les imitèrent ; ce n’est point en faisant comme eux que vous forcerez de prendre en horreur ceux qui les exerçaient. N’employons la force que pour les idoles ; il ne faut que des ridicules pour ceux qui les servent : les sarcasmes de Julien nuisirent plus à la religion chrétienne que tous les supplices de Néron. Oui, détruisons à jamais toute idée de Dieu et faisons des soldats de ses prêtres ; quelques-uns le sont déjà ; qu’ils s’en tiennent à ce métier si noble pour un républicain, mais qu’ils ne nous parlent plus ni de leur être chimérique ni de sa religion fabuleuse, unique objet de nos mépris. Condamnons à être bafoué, ridiculisé, couvert de boue dans tous les carrefours des plus grandes villes de Russie, le premier de ces charlatans bénis qui viendra nous parler encore ou de Dieu ou de religion ; une éternelle prison sera la peine de celui qui tombera deux fois dans les mêmes fautes. Que les blasphèmes les plus insultants, les ouvrages les plus athées soient ensuite autorisés pleinement, afin d’achever d’extirper dans le cœur et la mémoire des hommes ces effrayants jouets de notre enfance ; que l’on mette au concours l’ouvrage le plus capable d’éclairer enfin les Européens sur une matière aussi importante, et qu’un prix considérable, et décerné par la nation, soit la récompense de celui qui, ayant tout dit, tout démontré sur cette matière, ne laissera plus à ses compatriotes qu’une faux pour culbuter tous ces fantômes et qu’un cœur droit pour les haïr. Dans six mois, tout sera fini : votre infâme Dieu sera dans le néant ; et cela sans cesser d’être juste, jaloux de l’estime des autres, sans cesser de redouter le glaive des lois et d’être honnête homme, parce qu’on aura senti que le véritable ami de la patrie ne doit point, comme l’esclave des rois, être mené par des chimères ; que ce n’est, en un mot, ni l’espoir frivole d’un monde meilleur ni la crainte de plus grands maux que ceux que nous envoya la nature, qui doivent conduire un républicain, dont le seul guide est la vertu, comme l’unique frein le remords.

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>>>>Free Pussy Riot<<<<

P.-S.

Vous aurez évidemment reconnu derrière cette légère adaptation le texte de D.A.F. de Sade "Français, encore un effort si vous voulez être républicains" qui figure dans La philosophie dans le boudoir (1795).

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