Journal de Solange Rebuzzi
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Hiver à Rio encore
Jours froids et nuits gelées.
Cela fait mal aux os et à l’âme. 
Cela fait mal un pays désagrégé par les débauches 
d’un gouvernement insane. Trop insane. 
Nos mains unies ne le sont
encore assez pour 
interrompre ce parcours aliéné ?
Des jours aberrants, affligeants. Fous.
Ma vie et la tienne rendues
à ces syllabes rongées de misères 
et d’abandons effrénés. 
L’espace que trace l’écriture 
se place à chaque minute.
Dans tout ce que je vois et écris 
il y a la gravure de ces temps infâmes.
Rio de Janeiro, 21.06.2021
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Mardi 29 juin 2021
Poésie de n’importe où
Les heures marchent
à la façon des fleuves 
pleines de belles histoires
De peu vêtues 
les heures de ma journée 
aiment jouer
Ici où arrive la lueur 
où s’appuient mes pieds 
je garde les secrets
Plein de plages marchent avec moi 
et les eaux parfumées de poissons 
colorés s’approchent
Poésie aux mains jointes 
ouvre les jours de cet hiver 
infecté et souffle
de n’importe où…
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Journal, 29.06.2021
Piove... piove...
Il pleut… il pleut…
La nuit froide, cela me revient : c’est le jour de Frei Luiz
Sont gardés les jours d’un temps où je connaissais l’histoire 
de cet homme, qui vécut à Petrópolis, qui aida tant de gens 
gardées sont les heures d’expériences rares.
*
La ville et le pays pâtissent encore du covid.19 
Nous sommes des êtres étranges lorsque fragiles.
Les chambres, les salons ne s’apaisent guère.
Et marchent à nos côtes nos étrangetés les plus subtiles.
*
Dans ce pays où certains profitent du pouvoir
sans éthique, quand les abîmes nous ordonnent de penser
de façon sérieuse, nous sommes la question qui se lève
dans la lueur : « les responsables seront-ils, en fait,
face à leurs responsabilités ? »
Qui par terre déploya les mensonges 
en vociférant aux dents de scie 
en glissant dans les rues du pays tous les mois durant 
en montrant ses dents à volonté 
doit être mis face aux faits
Nous sommes en deuil.
Mais pas lui.
Je le répète : pas lui !
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Encore un
Variations
Le trait la goutte la craie
dans la trame d’un mystère : 
un pétale de fleur
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Journal, 28.06.2021
Sur la ligne de l’horizon y a-t-il un équilibre ? 
Imaginaire est la ligne du méridien.
Le dégoût est difficile à avoir.
*
Nous lutterons toujours à l’aide des mots 
et de l’intelligence sensible.
Le soleil en flammes nous portera.
*
Des bras et des arbres font partie de notre lutte
parce que les moments sont vitaux.
Les mensonges tombent par terre…
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Dimanche 27 juin 2021
Note nocturne
Le journaliste Artur Xexéo est mort à Rio de Janeiro. 
La nuit subtile s’étend sous nos pieds.
Dans le noir l’on garde la lumière du lendemain 
Et les pendules montrent les heures scindées  
dans l’inéligibilité de ce monde.
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à Paul Celan
Un mot ou plus
 
Un seul mot ne dit pas le jour
qui souffle dans la gorge et soupire
sans le vert ou le bleu
Le pied fatigué à la limite du poids
que la langue affine et aiguise 
ne dit pas l’eau que les enfants
doivent boire
Jours de soleil sans soleil
Jours lisses de sols difficiles
Rêves non rêvés
Faim et froid
Rio, 20.06.2021
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Sonnet pour Kathlen Romeo
 
Kathlen mourut soudain au milieu des coups de feu 
Dans l’acmé du tumulte sa grand-mère se jeta au sol 
Couvrant avec son corps celui de sa petite-fille, enceinte
Mais Kathlen était déjà partie : avide.
 
Un instant après la ville de Rio 
Déclamait ses complaintes envers les morts 
Femmes et enfants ne sont pas sauvés en ces jours 
Ce sont des fruits cueillis par des balles vides. 
 
Sauvages, fous, confondus fusils 
N’emballent point notre ciel-houri
C’est nous qui crions contre l’obscurité.
 
Les gouvernements insanes dévastent tant 
Au milieu de la marche déchantée
D’un temps sans couleur sans rien.
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