Nous avons le plaisir, cette semaine, d’accueillir Kenneth White. Rares sont les écrivains qui construisent encore une œuvre aussi multiple où chaque partie trouve sa place dans un tout dynamique et ouvert, loin de l’esprit de système. Depuis les années 1960, son œuvre offre poèmes, essais et cheminements, genres dans lesquels il a été reconnu comme une des voix majeures de notre époque. De cet ensemble exigeant et radical mais jamais élitiste ni pontifiant, se sont successivement dégagés le nomadisme intellectuel et la géopoétique. Le premier est notamment un puissant antidote à la bêtise et à la sclérose culturelle ; la seconde est une théorie et une pratique pour un temps de détresse : le nôtre, qui doit simultanément relever les défis d’un monde naturel qui se meurt, de cultures qui s’ignorent ou s’affrontent — et qui souvent s’étiolent dans la médiocratie. La géopoétique ne propose pas de ces trajectoires aberrantes qui signent la victoire du Même et de l’homogène à une échelle locale, elle vise encore moins la stase d’une uniformisation mondiale selon le plus petit dénominateur intellectuel commun. La géopoétique, dont l’œuvre de Kenneth White continue d’être la patiente élaboration, cherche à développer un rapport sensible et intelligent au monde, aux lieux, et à formuler ce rapport pour inventer une nouvelle façon d’être pleinement au monde, sans anachronisme ni esprit d’utopie.
L’œuvre complète de Kenneth White, en cours de publication en anglais à l’université d’Aberdeen en Ecosse (on attendra l’œuvre complète française), n’est pas réductible à la géopoétique proprement dite. L’entretien qui paraît aujourd’hui [lundi 17 février] est l’occasion de suivre un itinéraire intellectuel d’un demi-siècle, d’en saisir la dynamique et la brûlante actualité, la fraîcheur et l’ouverture. Fidèle à son habitude d’horrible travailleur tel qu’annoncé par Rimbaud, Kenneth White vient de publier coup sur coup en langue anglaise un livre d’essais : Ideas of Order at Cape Wrath, un waybook intitulé The Winds of Vancouver, de même qu’un recueil de poèmes : Latitudes and Longitudes. Ce mercredi, nous publierons la version française encore inédite du dernier chapitre des Vents de Vancouver (à paraître en mars aux éditions Le Mot et le Reste) ; puis la semaine se conclura dans le même Wilderness Ouest américain avec Le Rapport de Mackenzie.
Bonnes lectures !