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Testament phylogénétique (III) 

mercredi 24 mars 2004, par Catherine Lévy-Hirsch

L’art est mort, vous l’avez tué. Caché, occulté le soleil. Roméo et Juliette sont défunts, la comédie musicale ne les a pas ressuscités, le veau d’or est toujours debout. Le monde est une immense galerie marchande ; la clarté est nébuleuse. Où sont l’Amour, la Poésie et la Sagesse ? Edgar Morin, vous ne connaissez pas ! Les Français ne savent pas la chance qu’ils ont de l’avoir. Pourquoi prendriez-vous le risque d’envisager la vie manifestée au travers du regard d’un penseur-poète ?

A quoi sert de vivre ? Etaient-ce nos vies ou la vie qui est absurde ? Mais, comme le dit Emmanuel Mounier dans l’Introduction aux Existentialismes : " Il est absurde que tout soit absurde. " Nos corps imbibés enflammaient nos esprits. La raison peut-elle être subordonnée à la divagation quand l’irrationnel, etc…

Ne pensez pas que Pierre et Miloud ne suivaient pas la conversation. Pour être SDF de nos jours il y a généralement deux solutions. La première consiste à ne pas dépasser le niveau CE2, la seconde à être titulaire d’un BAC + 10.
Avant l’évaporation finale du liquide qui avait flambé comme l’injustice, l’odeur dans cette pièce étouffait nos paroles.
Je me sentais nauséabond, pourtant je voulais qu’il se dégage quelque chose de moi. Quelques notes d’espoir pour elle. J’ai résisté à la pression des autres jusqu’au jour où la peur de me sentir abandonné de tous me fit commettre l’innommable.

Au fil des mois et des squats, nous avons tous supprimé nos compagnes. Nous ne les avons pas assassinées, mais sauvegardées de ce voyage dans les affres de la vie. Ainsi, vous ne pouviez plus voler les restes de leurs inexistences. Après chaque disparition nous déménagions. La princesse était la seule femme à être restée avec nous. Je l’ai emmenée dans mon retour, elle m’a accompagné dans mon royaume perdu.

Elle, je ne l’ai jamais baisée parce que je ne pouvais plus. Avant de ne plus pouvoir, je ne pouvais plus. Je n’ai jamais pu. Il m’a castré de toute envie. Il avait toutes les femmes qu’il voulait. Dans mon milieu, les grands organisaient des soirées de réjouissance. Ces étalons bien élevés faisaient ça dans des appartements luxueux ou dans des suites d’hôtels. Il s’était toujours vanté de ses conquêtes, de ces femmes qu’il achetait à la soirée, de ces corps qu’il louait pour lui ou comme offrande pour ses amis. Des déesses inaccessibles qui se faisaient payer à prix d’or. Il avait le culte de la perfection. En tout, il était le meilleur, mon frère et moi étions traités de conquérants incapables. Constamment rabaissés quoi que nous fissions.

J’ai essayé de faire comme lui, de payer les services d’une femme. Dominer ou me faire dominer, rien n’a marché. La seule fois où j’ai pris du plaisir c’est quand j’ai décrit la mort et le dépeçage de Lulu.

Je savais que je ne pourrai jamais l’égaler, encore moins le dépasser. Un soir, en sortant d’une de mes incapacités, j’ai cassé la vitrine du restaurant où il aimait dîner. Pour qu’il me remarque. Son dédain envers moi n’a été que plus grand.

Ma mère, dont l’unique vocation était d’être la femme de et la mère de ses enfants, avait toujours fait ce qu’on attendait d’elle : être docile. Des collaborations et responsabilités de son mari, elle ne savait rien, avait-elle dit aux juges lors du procès. En 45, elle l’avait suivi en Amérique du Sud, pour ses affaires. Honnête citoyen, il nous avait caché sa double vie. Ses débauches, la vérité, ses implications dans le gouvernement de Vichy, son amitié avec Laval.

Cette angélique à la morale naïve lui servait de façade. Ma mère est morte d’un cancer, deux ans après le procès. Quant à mon géniteur, il s’est empoisonné dans sa cellule, le lendemain du verdict. Un goût de revenez-y. Sauf que lui, il a réussi son coup. Quand le scandale avait éclaté au grand jour, mon frère aîné disparu, plaquant sa femme enceinte sur la marelle de son destin.

N’ayant plus personne, plus rien sauf un nom nocif, j’ai fui. Fui la société, fui mon passé, fui l’ultérieur qui m’attendait. Alors, pour récuser cette honte j’ai continué, sur l’autre route de la décadence. Petit à petit, je me suis fait un pseudonyme, en passant par ce qu’il y a de plus dégradant.
Jusque dans la dignité patriotique j’ai appliqué le processus de la dégradation familiale au lieu de m’exalter pour un patriotisme défunt.

Comme moi, la France aussi a de vieux fantômes qui traînent. En 1960 j’ai fait partie de ceux qui ont perpétué la tradition et dois bien avoir quelques postérités honteuses qui vagabondent là-bas. Dans un pays en mal de racines, j’ai des enfants en carence de père.

Aujourd’hui, je suis immunisé de tout, je ne sens plus rien. Même en sa présence, ce passé remontait dans mon corps comme si ma testostérone famélique ne pouvait plus se nourrir de souches fraîches.

Rescapée d’une migration qu’elle croyait salvatrice, Princesse était l’unique à avoir engendré. Aucun d’entre nous n’était le père. Ses restes ont été saccagés contre quelques francs par une bande d’échangistes. Nora venait du Kosovo.

Les viols quotidiens d’une guerre banalisée par des informations tronquées, le silence des victimes qui doivent pardonner parce que les investisseurs ont besoin de main d’œuvre au nom de la nation à reconstruire, elle connaissait.
Comme toutes les femmes de la guerre elle a été bâillonnée pour que le silence règne. Toutes deviennent des poussières d’humanité. Des cendres ambulantes.

Achetée une poignée de chagrin par la mafia russe à une famille qui avait tout perdu, elle a été promise à un avenir de bonne dans une famille allemande. A peine arrivée en Italie elle a été éduquée à son nouveau métier. Re Belote. Par les mêmes méthodes, ils ont maté sa rébellion et ils l’ont eue.

Amaigrie et meurtrie, ma douce a été jetée sur les trottoirs parisiens, en cloque. Lorsqu’elle a accouché au pied d’un arbre dans le Bois, une voiture a pris son nouveau-né. Restée sur le trottoir, elle ne l’a jamais revu. Peu de temps après elle s’est enfuie. Sans papiers et argent elle ne pouvait pas rentrer chez elle. Elle a fui les viols successifs pour remettre ça dans un de ces parkings de la honte. C’est tout ce que je sais d’elle.

Après m’avoir raconté son histoire elle s’est tue, depuis seul son regard clignote. La nuit, elle tremble et hurle, je l’apaise, je m’assieds à ses côtés. En peu de temps avec le poids de ses souvenirs, sa grossesse et l’alcool elle est devenue lourde. Un matin, elle s’est réveillée, ses cheveux sur l’oreiller. Derrière la loque qu’elle est devenue, j’ai vu le regard d’une petite fille qui a peur.

Des camps, elle en a connu les murs barbelés qui terrorisent les protégées, le goût des soupes fades et le rugueux des couvertures jetées à même le sol. A la vue de son ventre qui grossissait, j’ai eu un éclair de conscience. Elle m’a renvoyé aux camps de la mort alimentés par mon père.

Je ne voulais pas que ce bébé de la honte vienne gazouiller dans mes oreilles, qu’une progéniture vénéneuse, forme de vie empoisonnée par les miasmes provenant de votre décomposition peuple mon univers.
Alors j’ai pris la décision. Je n’ai pas préparé mon acte. Les sauvages que nous sommes ne savent plus inscrire les choses dans le temps. Il n’y a plus de temps quand il n’y a plus de bébé. Je l’ai saoulée à mort. Puis je...
J’ai mangé son bébé. Comme pour me ressourcer, comme pour avoir une nouvelle chance de vie. Les autres m’ont rejoint. Signature de la horde de la détresse collective, nos bouches déshumanisées ont mangé de l’espoir. Nous avons ingurgité de la viande humaine ; pour essayer de rester humains. A chaque bouchée je demandais au petit prince de redevenir moi-même à l’état d’avenir.

En ma voix intérieure ne résonnaient point les Kindertotenlieder. Déjà vandalisés par les précurseurs d’un paganisme renaissant, les vers du poète emplissaient mon esprit. Hölderlin n’en était plus à un détournement près.
" O Ether paternel, jamais ni homme ni dieu ne m’a témoigné tant de dévouement, de tendresse !

Avant même que ma mère m’eût serré dans ses bras, avant que ses seins m’eussent allaité,tu m’enlaçais avec tendresse, tu versais le premier dans ma poitrine naissante.
En même temps que le souffle sacré, ton céleste breuvage. "
Oui, c’est grâce à cette chair, à ces os encore mous que j’ai sucé en sirotant un élixir composé de liquide amniotique, de sang et de whisky, que j’ai écrit mon roman. Mon cul posé sur la photo de mon père.

Ca ne vaut plus la peine que j’essaie de passer de l’autre côté de la rive. J’y vais.

Un dernier mot encore. Je ne demanderai pardon à personne, ma barbaritude n’est pas pire que la vôtre. Pour moi ni peur, ni pognon, ni pouvoir et encore moins pardon. S’il me restait un peu de temps, j’ouvrirais un débat sur le thème " Conscience et homo demens ". Ma conscience est ce qu’elle est, mais elle est.
Le pardon est à la mode, il permet à ceux qui commettent des massacres de continuer tranquillement à anéantir leurs victimes. Les astiqueurs ont la conscience légère.

Que croyez-vous ? Que vous êtes à l’abri de la misère ? Si vous n’étiez pas aussi pleutres, vous ne seriez pas agglutinés dans ce théâtre ce soir. Vous ne vous attendiez pas à cette pièce, ni à être frustrés de vos sourires et applaudissements mondains !

Mon style, parlé ou écrit, est brut de pomme. Pour répondre à une question qui m’a été posée tout à l’heure, ce n’est pas dans un atelier d’écriture que j’ai été modelé. Quelles que soient les modalités d’apprentissage, il n’y a de nos jours que trois sortes de manuscrits qui passent. Les bons, les autres et ceux rédigés par des plumes intérimaires. J’aurais dû inverser et terminer par les bons, les plumes intérimaires se vendent mieux. Si j’avais été un vrai auteur, je ne serais pas en train de m’exhiber sur scène. Les écrivains écrivent.
J’aurais tant aimé remplir les feuilles blanches de soleil et de pluie. Mais mes portées scripturales s’agencent comme une tapisserie. A l’instar d’un tisserand, j’ai tissé les décousus de nos sorts. A la fois concepteur et licier, j’ai alterné les cartons et les fils, opérant ainsi une variation beaucoup plus radicale. Utilisant mes impressions à la place d’une navette, j’ai composé une espèce de sculpture informe, révélatrice de nos différences. Sur une trame unique, les fragments aux couleurs et matières contrastées aboutissent à une œuvre composite.

Mes quelques lignes sur la précarité vous ont rassurées sur votre statut : ça ne vous est pas arrivé à vous. Vous avez lu mon livre comme vous vous arrêtez aux bords des routes lors d’un accident. Simplement, pour voir, juste pour voir, pas pour exorciser votre pétoche.

Sans fatigue apparente vous êtes arrivés à donner un visage humain à l’injustice. Vos âmes sont nues. Comme des hyènes, vous vous acharnez minutieusement à dépouiller ceux qui n’ont rien et à casser ce qui est bon chez les autres. La bonté, voilà un mot oublié. Vos violations des droits de l’homme, vos complicités passives perpétrées au Saint Nom des plus-values sont vos nouvelles valeurs. Simulant la consternation vous agrémentez vos dîners d’idées utopiques que vous faites circuler comme vous passez le sel. Combien d’entre vous militent activement en faveur de la vie, des droits humains élémentaires ? Qui s’insurge contre l’obscurantisme des intégristes, des financeurs et des militaires ? Votre solidarité consiste à laisser les femmes être des bafouées par des fanatismes rétrogrades et les enfants être de la chair à canon.

Le libéralisme effréné que vous avez mis en place a envoyé à l’abattoir les condamnés à la précaropathie chronique. Dans votre vision du monde, vous avez réussi les exploits d’assimiler la précarité au terrorisme et de laisser se développer leurs corollaires. Eradiquer les pauvres vous est plus coutumier que de partager vos richesses. Vous traitez un autrui qui ne vous ressemble pas comme les agriculteurs bombardent leurs cultures de désherbants. Programmées, vos matrices sont devenues des machines à sélection. Le non vous est devenu tellement insupportable que vous embastillez tout faciès non étiqueté par des logos des marques à la mode.
Est-il possible de vivre au-dessus du seuil de cruauté maximal ? De l’anéantissement, je préfère aller au néant. Ordo ab chaos. Il est vraiment temps que je m’en aille.

" Accueillez-moi, oh ! accueillez-moi dans vos rangs, de peur que je ne meure un jour d’une mort vile !
Mourir inutile me fait horreur, mais il me plaît de tomber sur l’autel de, etc...
de verser tout le sang de mon cœur, etc., etc...
A présent accueillez en ami l’humble étranger... "

Mais, ai-je encore le droit d’espérer l’union ?
Avant de quitter définitivement la scène, je voudrais vous faire écouter quelque chose.

Ecoutez, non pas la Danse de la Fée Dragée, c’était prévu pour un projet avorté. Voilà. Tant qu’il y aura des pêcheurs de perles, il y aura des pêcheurs d’étoiles. "


Après sa sortie de scène, la caméra fixait encore la canne de chasseur sur laquelle il s’était assis, le magnétophone qu’il avait utilisé interprétait la dernière strophe du dialogue de Nadir et Zurga. Puis, ce fut le néant. Je restai longtemps sans bouger, immobilisant mon regard dans le lointain. Je me déballai du drap dans lequel je m’étais inconsciemment enveloppée avant de me lever. Seuls mes membres inférieurs furent d’aplomb. Mon sac en bandoulière subitement retombé sur une hanche m’invitait à quitter ce lieu. Le crépuscule jouait avec la nuit lorsque je me résolus à partir.

La discrétion de mon hôte avait prévu cette éventualité. L’oubli du temps qui passe. Une veilleuse était à mes pieds qui en écrasaient le fil électrique. Je l’allumai et fixai les torsades de l’ampoule. Mon résidant devait dormir, son retournement paisible m’incitait à le penser. Munie d’un reste de volonté, je me baissai pour ramasser la délaissée défraîchie par le temps. Je décidai de lire cet article de presse quasiment en lambeau.


Les Echos du Dimanche

MASSACRE LITTERAIRE

Scandale hier soir lors de la remise du prix littéraire Florian. Ce prix créé pour un genre tout à fait particulier, le gore, a eu lieu pour la troisième fois au " Théâtre de l’Espoir. " Le tout-Paris était présent pour saluer l’auteur qui deviendrait le lauréat. Lorsque l’élu de l’écriture est monté sur la scène, il semblait être dans un état second. Ses propos ont stupéfait le public composé d’auteurs, d’éditeurs et de critiques.

Le régisseur du théâtre a été la dernière personne à l’avoir entendu. Il a déclaré aux enquêteurs qu’en se rendant dans les coulisses le romancier l’a regardé en lui disant :
Je sors côté jardin.

Puis, l’auteur lui a montré une lettre qu’il a immédiatement glissée dans son enveloppe, a remis celle-ci dans sa poche, et s’en est allé en murmurant :

Depuis la nuit des temps je n’ai jamais su emballer mon cœur dans mon âme. Que peut-on savoir quand on ne connaît rien ? Apprivoiser est un leurre. Accepter ? Est-ce un début ?

Sans se retourner, il lui a tendu une chevalière dont le monogramme SS était fait de roses de diamant, en précisant :

Enlève ton tee-shirt, les dérives marchandes transforment les êtres en produits dérivés.

Ce furent les dernières phrases de Sébastien de la Saudrey, le fils de l’avocat, l’éminence grise de Laval.

Jusqu’à la découverte macabre, personne ne connaissait son identité. Sa famille, atterrée, a immédiatement déclaré qu’elle souhaitait se débarrasser de la bague par laquelle il avait signé ses crimes.

Pour préparer le public à la sortie du livre, les noms des lauréats de ce concours avaient été divulgués de longue date. Concernant Sisyphe, l’auteur de " L’énigme du pavillon de la torture ", toute une gamme de produits portant la mention " Stop à la misère " ont préalablement été écoulés à travers le monde. Certains émeutiers avaient déjà été interpellés.
Le ministre de l’intérieur, sous protection du Premier ministre, est parvenu à anticiper un coup d’Etat en faisant taire les meneurs (selon ses méthodes habituelles ? ) Les familles des disparus restent, à ce jour, sans nouvelles de l’évolution des épidémies évoquées par le directeur des affaires sanitaires des prisons.

Quant à la famille de Sébastien-Sisyphe, elle a décidé que le bénéfice des objets et vêtements déjà vendus servirait à racheter les stocks. Elle n’a pas démenti les rumeurs afférentes au fait que la victime ait appartenu au " Corps des infiltrants " mis en place par les généraux pour noyauter les communautés prohibées.

Objet de mutilations abjectes, le tueur en série recherché a subi un meurtre rituel d’après la brigade criminelle.
Ses yeux ont été arrachés de leurs orbites et son cœur extrait de sa cage thoracique. Ils ont disparu. Deux cailloux anguleux ont été placés dans les cavités oculaires. Sur sa gorge on a retrouvé un petit tas de cendres. Posée dans l’orifice cardiaque, une brique rouge portait ces mots inscrits à la craie : " L’un pour la pierre de vie, le plus petit. L’autre pour la pierre de mort, le plus grand. Apprivoise la pierre de ton choix ou apprivoise tes pierres si tu le préfères ? "
Entre le matériau et la peau était coincée une enveloppe vidée de son contenu. Inscrite par la main de l’assassiné, on pouvait y lire cette citation du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry : " On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ? " Un point d’interrogation fait avec du sang terminait la phrase manuscrite.

A l’heure à laquelle nous publions l’article, les enquêteurs attendent les résultats du laboratoire pour savoir s’il s’agit du sang de la victime. Ils sont en train de rechercher les traces laissées par les meurtriers pour connaître leurs identités.

Les symbo-ethnopsychiatres quant à eux décryptent actuellement les messages. L’équipe du C.N.R.S chargée d’étudier l’impact de l’urbanisme sur les comportements des individus confirment le rapport qu’ils ont transmis à la Ministre de l’Equipement et de la Ville *.

* lire page 9 la réédition de l’article de l’anthropologue Renaud Verdier à ce sujet : "Modifier l’espace urbain en espace humain, c’est possible." Nous vous rappelons que notre collaborateur a été arrêté, puis torturé. Lors de son procès, fort sommaire, il était, aux dires de son avocat, totalement incapable de se justifier face aux accusations qui lui ont été formulées. Seule une lobotomie aurait permis de le mettre dans cet état. Renaud est mort en prison au printemps dernier. Dans l’impossibilité de retrouver son dossier qui aurait été égaré lors du déménagement du Tribunal de Paris( !), la justice n’a toujours pas fait la lumière sur les causes réelles de son décès. Nous restons persuadés qu’il ne s’est pas suicidé.


Le hurlement que j’ai poussé à la fin de la lecture avait alerté mon hôte. La portée du mot terrifiant avait pris sa signification. Je savais. Mais Bastien, savait-il de quels paliers de son passé les autres l’avaient dépouillé ? Avant de déambuler dans les rues, j’ai vomi son infernal. Désireuse de prendre du recul, de me laisser un temps de réflexion, j’ai prolongé mon périple parisien. Les jours qui ont suivi, j’ai pataugé dans le capharnaüm de mon émoi.

Laine et aiguilles à ma portée, je tenais le fil entre mes doigts.

J’ai compris ses lancer de balles, ses creux, ses vides. Ses propensions à passer de l’état de victime à celui de bourreau.
Je n’ai servi qu’à donner vie aux rejets de ses crevasses. Il m’avait fallu du temps pour l’intégrer. Dès lors, j’ai refusé le rôle de l’élue, de la compagne géminée qui convoie un fardeau indécelé qui fructifie avec le temps.

Allais-je continuer à me battre contre les poids invisibles qu’il me faisait porter ? Non. J’étais résolue, pour ne pas sombrer dans la répétition d’un oubli installé qui se manifeste et rugit à mon insu. La dernière carte avant que mon château ne s’effondre était enfin à ma portée, celle du choix.

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