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LE NON-DESIR DE PERPETUATION
J’ai toujours trouvé étranges ces femmes et ces hommes qui étaient obsédés par l’idée de se perpétuer. Et l’obsession est un bien faible mot pour décrire cet acharnement à vouloir à n’importe quel prix se prolonger. C’est un peu comme si toute leur vie se résumait à jouer à la dînette et à la poupée. A tel point qu’ils sont presque capables de tuer pour donner la vie.
Je dois dire que ce comportement m’est totalement incompréhensible et étranger. Je ne me perpétuerai pas et je serai le dernier de ma lignée. Et cela ne me pose absolument aucun problème métaphysique. J’ai ma vie à vivre, et cela me suffit largement en remplissant bien mes journées. Je n’ai pas cette lancinante obsession d’avoir un enfant comme la plupart des gens. Et si une femme me fait un enfant contre ma volonté, bien je la laisserai se débrouiller toute seule avec son fantasme.
Moi, dernier de la lignée, sans aucun problème particulier et surtout pas obsédé par la reproduction. Ce monde est vraiment étrange. On enferme les gens dits fous alors que les enragés sont à l’extérieur. Il n’y aura pas d’enfant qui viendra à mon enterrement. Je partirai comme je suis venu, et le reste est sans importance.
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LE SAMEDI
Le samedi est un jour étrange. Journée habituellement réservée aux achats et à tous les excès, je ne me sens guère inspiré par ce jour de la semaine. Journée faite de files d’attente et de célébration du consumérisme, je n’ai jamais apprécié cette journée. Ce côté festif auquel tout le monde s’astreint est quelque part désespérant. Probablement qu’en couple ne voit-on pas ce côté insensé de cette journée utilisée pour la distraction.
Pour ma part je n’apprécie les distractions qu’en milieu de semaine. Le week end est ennuyeux et toute cette foule qui s’agite me laisse perplexe Le calme d’un milieu de semaine est tellement plus attrayant. Par exemple la quiétude au bord d’un lac est nettement plus propice au bien-être qu’au grouillement de ces consommateurs avides de tout acheter. L’homme est un animal grégaire. Il se sent rassuré par la foule. Déjeuner dans un restaurant bondé ne me procure que de l’indigestion. Époque des grandes villes, où la plupart sont citadins, civilisation de la file d’attente, nous passons plus de temps à attendre qu’à profiter des plaisirs de la vie.
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PRÉSENCE
Il faut avouer que tout avait mal commencé. Abandonné par sa mère durant les premières années de sa vie, il eut alors un besoin d’amour insatiable (aimer et être aimé) par le manque de sa mère qui l’avait lâchement abandonné. Aussi aimait-il sa femme avec passion et dévouement. Dès qu’il se trouvait seul, un vide abyssal l’envahissait, parfois presque jusqu’au malaise. Il avait besoin de son regard, d’entendre sa voix, et de la voir légèrement remuer la tête. Il avait beau être parmi la foule, sans elle il se retrouvait dans une profonde solitude.
Les rues sont surpeuplées d’individus qui parlent sans parler vraiment et de gens agglutinés qui ne savent pas pourquoi ils sont rassemblés au même endroit. Le côté impersonnel des grandes villes fait que chacun se retranche derrière l’invisibilité de l’anonymat. Chacun équivaut à tout le monde et ce tout le monde se perd dans le rien. Il n’y a rien de plus impersonnel qu’une foule pilotée par le mimétisme.
Aussi dans ce non-sens sa femme lui apportait une présence authentique, située aux antipodes de la masse informe de la foule. Elle seule était porteuse de sens et d’une réalité unique. A ses côtés le monde lui apparaissait moins hostile et plus gorgé de bienveillance. En son absence, il perdait toute notion de la géographie et se retrouvait perdu dans des lieux qui lui étaient pourtant familiers. Il voyait le monde à travers son regard, et si elle devenait triste, c’est le monde entier qui prenait les couleurs de la tristesse. Et lorsqu’elle était joyeuse, c’était la planète entière qui semblait lui sourire. C’est aussi toutes ces choses qui faisaient que son amour pour elle était inconditionnel.
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LA GRANULARITE DU MATIN
Le matin, surtout en ayant peu dormi, m’apparaît comme étant granuleux. Le côté lisse de la soirée disparaît pour laisser la place à un monde fait de grains. C’est une étrange sensation qui est en même temps désagréable.
Le matin tout semble transfiguré dans une atmosphère de labeur. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt dit la maxime bien connue ; et pourtant le matin rien se semble m’appartenir. Le matin tout semble rugueux et laborieux, dans un paysage citadin de fin du monde.
Il nous faut alors regarder la prunelle de celle qu’on aime pour se dire que cette sensation est une fausse sensation et que la journée va être agréable. Cependant ce caractère de suractivité durant le matin me déconcerte un peu. Toute cette agitation dans la ruche humaine me met un peu mal à l’aise.
En ayant dormi seul, sans la présence de celle que j’aime, le jour qui se lève me semble blafard. Comment trouver de l’énergie sans avoir entendu quelques mots simples et gentils. Comment se sentir en confiance sans avoir vu le visage de celle que j’aime, au réveil, avant de faire sa toilette. Le matin, dans ces conditions, est irrémédiablement granuleux et ne possède aucune harmonie. Ce matin m’effraie plus qu’il ne m’attire. Et c’est pourtant chaque matin que je me lève avec en moi l’espoir d’un jour meilleur.
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LA MONTAGNE RUSSE
Tu es une montagne russe qui donne le vertige et dont on ne peut prévoir ce qu’il y aura une fois dans la rapide descente. Je veux voyager sur les hauteurs et les creux de ton corps jusqu’à perdre la tête et sentir mon cœur palpiter, sans prévoir les sensations que m’apportera la prochaine descente qui ne mènera pas aux enfers.
Je ne trouve plus le sommeil, et toi seule peut m’aider à dormir sans ne plus penser à rien. Tu es mon hypnotique naturel qui me plongera dans des rêves qui ignorent les cauchemars.
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TU ME MANQUES
Ce tiraillement au fond de l’être, entre le désir et la pensée, entre le souvenir et le présent incertain, entre une promesse jamais formulée et des actions faites au jour le jour, entre une sensualité débordante et la pensée froide et calculante, entre l’hypothèse d’un silence et le bavardage du poulailler, entre nos solitudes qui ne cherchent qu’à faire pluralité, entre nos entêtements de chacun détenir une partie de vérité, entre les oscillations de la confiance et du doute, entre tout ce qui n’est pas manichéen et notre monde saturé de logiques absurdes, entre le souhait de poser mes lèvres sur tes lèvres et de te voir fermer les yeux, entre enfin mille choses que nous ne comprenons pas et que nous réussirons à résoudre tous les deux.