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3/5. Actualité de Charles-Louis Philippe — Léon-Paul Fargue 

Charles-Louis Philippe, Charles Blanchard, préface de Léon-Paul Fargue

jeudi 18 avril 2013, par Léon-Paul Fargue, Aliette G. Certhoux

C’est en 1906, après le déboire du prix Goncourt, que Philippe entreprit d’écrire Charles Blanchard. Il répétait volontiers alors : Des romans ? Non, ce n’est pas cela que je veux faire, on arrange toujours un peu l’intrigue et le reste en vue du livre à 3fr 50. Je ne veux plus y songer ; et, du reste, pour ce que le "livre" vous rapporte ! Non ; j’écrirai désormais sans souci de la publication. — Ecrire... quoi ? — Vous verrez ! Je saurai bien inventer "autre chose"...
Et déjà Croquignole était à peine un roman. Charles Blanchard devait l’être moins encore.
Le père de Charles-Louis Philippe, qui mourut peu de mois après, était sabotier. Charles-Louis Philippe l’aimait et le craignait ; ce père autoritaire n’admettait pas, comme nous disait quelqu’un de son village, "que la lumière put lui venir de son fils". Il le considérait toujours comme un enfant, et le morigénait sans cesse.

— "À ton âge, habiter encore au sixième !... Mais boutonne donc ton paletot quand tu sors !... Écrire des livres, ça n’est pas un état"... (Nous rapportons ces phrases telles qu’elles ont été redites.) — Mais il lui racontait des histoires. Le meilleur de celles que Philippe a transcrites dans le Matin est ce qu’il tenait de son père.
Une histoire que le père Philippe racontait beaucoup moins bien, c’était celle de sa propre vie. Elle était sans événement ; celle d’un travailleur, simplement. Peut-être est-ce là précisément ce qui tenta Philippe : Charles Blanchard devait être le récit de cette vie si simple, si vide... Rien ne l’y gênerait ; et ne sentait-il pas en lui suffisamment d’émotion pour l’emplir !
Cette extrême liberté d’invention dont Philippe espérait assistance, empêcha ce nouveau livre de réussir. Philippe avait à coeur de prendre Charles Blanchard tout enfant, et de l’amener lentement au travail. Mais dès la première page une irrésolution le balança : Quel serait cet enfant ? Philippe sans doute voyait bien ce qu’il voulait le faire devenir, et vers où le mener... Mais par où ? — "Plusieurs" Charles Blanchard se proposèrent, dont successivement il s’éprit et dont il raconta la première jeunesse : l’un triste, abandonné dans une chambre et ne sachant que pleurer tout le jour ; un autre (ou le même) allant quêter son pain avec sa mère ; un autre enfin (celui que nous présentons aujourd’hui) naturellement joyeux, accueillant, exalté, puis qui prend brusquement connaissance de sa misère, de la manière que l’on verra. Et plutôt que d’en élire un, également amoureux de chacun, également mécontent de chacun, Philippe enfin renonçait à ce livre.
[...]

André Gide
Extrait de l’introduction aux fragments publiés dans le N°14
de La Nouvelle Revue Française,
dédié à Charles-Louis Philippe (15 février 1910).


 

La suite est la préface extraite de l’édition complète de Charles Blanchard publiée dans la collection Blanche — à l’origine de la NRF, — en 1913. (Ebook de l’oeuvre intégrale ci-joint en pdf graphique).
En épilogue, on propose un point de vue pour considérer l’apport posthume émergent de Charles-Louis Philippe.

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 1/5. Actualité de Charles-Louis Philippe — Présentation
 2/5. Actualité de Charles-Louis Philippe — Marguerite Audoux
 3/5. Actualité de Charles-Louis Philippe — Léon-Paul Fargue
 4/5. Actualité de Charles-Louis Philippe — André Gide (en préparation)
 5/5. Actualité de Charles-Louis Philippe — Paul Claudel (en préparation)



Musée Charles-Louis Philippe, Cérilly (Auvergne).
La chambre de C.L. Philippe dans sa maison natale.
Photo D.G. Doc. A.G-C. (avril 2010).
Charles Blanchard,
Charles-Louis Philippe
Préface par
Léon-Paul Fargue (1913)

 [1]


Charles Blanchard

Charles-Louis Philippe

Préface de Léon-Paul Fargue


 Philippe écrivait, dans une lettre : " Je travaille à un nouveau livre qui sera sur mon père. Je ne te l’avais pas dit encore. Du reste, il n en est qu’au commencement. Je suis sa vie pas à pas ; il me semble que je l’accompagne ; je retrouve ses idées, ses façons de voir les choses. Il me sert de guide ; je me rappelle tout ce qu’il me racontait. On n’est pas mort tout entier quand on a laissé aux siens de pareils souvenirs... "
 C’était le plus souvent après le déjeuner, sous le feu de la pipe et l’œil noir du café, dans la petite salle propre et pas très éclairée de Cérilly, que le père de Philippe lui racontait des histoires... Cela gênait bien un peu Madame Philippe, qui aurait voulu desservir sa table et qui tournait et retournait... " C’est bon. Laisse-nous encore un moment, " disait Philippe.

 Carlyle écrit quelque part : " Le fait seul importe. Jean sans Terre a passé par ici. Voilà ce qui est admirable. Voilà une réalité pour laquelle je donnerais toutes les théories du monde. " Poincaré ajoute : Un physicien dirait : " Jean sans Terre a passé par ici ; cela m’est bien égal, puisqu’il n’y repassera plus. " Si Philippe adorait les faits et les histoires, sa mère, avec cette faculté de renouvellement des femmes, leur sens pratique et leur instinct de faire face au présent, n’aimait peut-être pas beaucoup qu’on reparlât des mauvais jours... Au reste, on a le sentiment que son père se referma, soit par simplicité, soit par orgueil, soit par défiance instinctive, sinon par aversion de travailleur qui creuse son sillon chaque jour pour toutes ces paperasses, dès qu’il sut que son Louis voulait faire un livre sur lui. D’autres lettres de Philippe le laissent bien voir. Il écrit à Milie :
 " Mon père dit qu’il n’y a aucun livre a faire sur lui. On dirait : " Ce n’est pas intéressant. C’est l’histoire d’un homme qui travaille. Il ne lui est rien arrivé d’extraordinaire. C’est l’histoire d’un homme qui n a fait que son devoir... "
 Et à sa mère : " Tu me dis, ma chère maman, que mon père ne voulait pas que je fasse un livre sur lui. Ce livre, je l’avais déjà commencé avant sa mort, et ’il n’était pas tout à fait ce que mon père aurait pu croire. Je tire de sa vie le bel exemple qu’il m’a donné. Mon père ne pouvait pas m’ empêcher de penser qu’il avait toujours accompli son devoir et de l’exprimer à ma façon. Je suis bien sûr d’ailleurs qu’il aurait accepté avec orgueil et avec joie l’hommage que je lui en aurais fait, et la chose surtout qui l’aurait frappé, c’est qu’il aurait compris que j’ avais fait ce livre parce que je l’aimais de tout mon cœur. Je voudrais que ce livre soit un beau livre et qu’il apprenne a ceux qui le liront qu’un homme loyal et courageux qui était mon père a vécu une vie de travail... "
 Et à Milie encore : " Mon père ne me raconte pas grand’chose, toujours parce qu’il n’y a rien à écrire sur lui. Et puis, il ne veut pas occuper le monde... "
 Mais Philippe en savait assez. Le contour de Charles Blanchard se traçait suffisamment de ces récits pour qu’il pût le remplir de son imagination, de sa tendresse et des souvenirs de sa propre enfance, qui s’était passée à Cérilly, comme celle de son père. Il n’oubliait rien de son enfance. Il savait bien que nous vivons longtemps sur les premiers contacts. Que de fois nous retournions ensemble, pas à pas, réveiller tout ce qui dormait de nous-mêmes, en arrière, au bord de la route... Nos questions se multipliaient... Les vieux échos se précipitaient, du fond du soir, à leur appel...

 ...Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’Automne...

 Nous aurions voulu débusquer de leurs plus fins replis nos souvenirs les plus lointains. Nous entrions dans les maisons qui nous avaient regardé vivre et partir, un jour, au fond d’un horizon de France, ou dam une ville, au bout d’une rue... Nous retrouvions dans leurs tiroirs ces traits de lumière, ces révélations, ces clefs aiguës qui nous avaient jadis ouvert les chambres du Mystère, de Fart, de la douleur et de l’amour. Quel livre on en pourrait écrire... On y tâcherait de bien déplier, de bien étaler ces sensations et ces souvenirs, avec le plus humble scrupule, avec la patience et la minutie d’un naturaliste qui "prépare" un insecte, avec l’application d’ un enfant qui écrit un "compliment" en tirant la langue... On remonterait les vieux jours en s’aidant des plus petites choses, en tâtonnant, comme on trouve du pied, a mesure qu’on les cherche, les aspérités d’un mur pour y grimper... On redoublerait son enfance, comme une classe... On débrouillerait tous les fils, avec sa naïveté de jadis devenue presque une savante... On atteindrait bientôt le moment ou l’on prend conscience de l’existence de ses parents, de leurs façons de se mouvoir l’un contre l’autre, de leurs soucis, de leurs tiraillements et de leurs trêves, de leurs rapports avec l’enfant que vous êtes, de tout ce qu’ils vous ouvrent, des éclaircies et des échappées où ils vous bornent. Et puis, il y a l’époque des premiers spectacles qui vous entament... Les sens s’exercent et s’exaltent. Le cerveau prend bien les choses et contrôle. On saisit les premiers rapports. On a déjà des souvenirs à des plans divers, avec leur magie, leur musique et leur odeur... Moi, je lui racontais qu’un jour j’avais été troublé par l’aspect d’une serrurerie devant laquelle je passais tous les jours avec ma mère, et qui nous jetait, par sa porte bleue, le signe bref d’un feu qui sortait son dard quand le grand soufflet respirait, l’odeur de sa limaille et le corps de hibou de son enclume... Une herboristerie, plus loin, vous caressait de son odeur de bois nocturne, de mûriers et de graines... Plus d’une chose en ce monde appelait ainsi certain enfant qui se nommait Charles Blanchard, et dont parlait déjà Philippe avec la plus grande insistance... Quand Galand, le maréchal-ferrant de sa petite ville, en compagnie de son ouvrier, battait le fer rouge, une pluie d’étincelles jaillissait et rayonnait si belle, qu’on se réjouissait d’avoir assez, longtemps vécu pour pouvoir la contempler. — Le kiosque chinois du jardin de Monsieur Tardy était coiffé d’un toit à six angles à chacun desquels était suspendue une clochette, et quand le vent soufflait six clochettes tintaient. Par une fenêtre ouverte on apercevait le salon de Madame Bonnet qui était une femme très riche. Charles Blanchard en avait reçu comme un coup ! Il avait été vraiment frappé à la face par des rideaux de soie, par des tapis, par des sophas, par des vases et par des lampes à colonne de cuivre qui lui semblaient être au nombre d’au moins cinquante. Il y avait aussi la maison de Madame Emile Giron : sa cour, son perron, sa grille. Et même, un jour, il avait monté le perron !
 Plus tard, il y eut aussi le marché de la petite ville : " Il eut toute une révélation. Ce fut comme si un nouveau sens se faisait place parmi ceux dont il se servait déjà pour apprécier l’Univers. Il se produisit un phénomène comparable à un éboulement ; une part de lui-même s’effondrait et laissait en plein milieu de son corps, dans son ventre, un vide énorme. — Il sembla pendant longtemps à Charles Blanchard qu’il vit plus de choses encore que n’en contient un seul marché, qu’il vit même des choses que l’on ne voit pas
sur le marché. "
 — Mais c’étaient là des organes séparés, qui ne vivaient pas, des pièces anatomiques. C’étaient des éléments trop purs encore, isolés, sans armes, et qui n avaient pas ce qu’il fallait de force pour rompre les amarres de son âme et l’enlever — comme par un rapt... Le spectacle des Chevaux de bois de la fête de sa petite ville composa le premier grand ensemble, le premier corps multiple ou plusieurs organes s’entr’aident à vivre, et, si je me laisse écrire ce mot, la première association de symbiose, le premier phénomène chimique, le premier mordant qui fit effervescence avec cette âme : Elle était enchaînée au vantail d’une porte, comme Andromède h son rocher. Mais les chevaux de bois arrivèrent en grand héroïsme, ainsi que Persée sur son hippogriffe... Charles Blanchard en fut profondément ébranlé, grisé, converti, sauvé, comme au plus fort d’une grand’ messe... Et son âme en fut délivrée !
 Charles-Louis Philippe enfant reçut la même révélation, sur la même place, à Cérilly, lorsqu’il vit plus tard à son tour, les chevaux de bois de la même fête... Il me racontait son enthousiasme et sa fièvre de tout un jour. Et nous parlions encore des fêtes du Centre de la France, des "assemblées" du Berry et du Bourbonnais, de leurs prairies et de leurs noces... Je le vois si bien, petit mais trapu, le "caisson" large, la tête forte, aux méplats clairs, levant sa bonne figure au-devant de la confidence, avec son lorgnon, qui n’avait rien de bureaucratique, assis en tailleur sur son nez bien ouvert — et marchant d’un pas court et net !

 Voici donc la première tangente dont le Mystère ait frôlé l’esprit de Charles Blanchard, comme d’un coup de vent semant sa graine : une image. Elle germe et pousse. Il en sortira plus tard une fleur, une espèce de passiflore, les chevaux de bois d’une petite fête, au milieu des feuillets d’un livre...
 Dès qu’il se fut mis à l’écrire, Philippe souffrit d’un malaise. Il m’avait dit l’amer plaisir qui l’emplissait de peindre la vie d’un enfant dans sa petite ville, ses premières pensées, ses premières sorties ses premiers bonheurs et ses découvertes ; d’un enfant très délicat d’âme et de corps ; d’un enfant traversé, transpercé par la vie comme par une flèche de soleil implacable ; d’un enfant que la lumière dissout, que l’air étouffe, et que menace le travail — mais que sauvera le travail ! Le travail, arme à deux tranchants qui vous tue et qui vous fait vivre... Il nous lut un jour, à lehl et a moi, ce qu’il avait écrit de ce premier chapitre de Charles Blanchard qu’il recommença tant de fois depuis : C’est un tableau de primitif avec toute sa foi, sa conscience à vif ses plans et ses fonds richement peuplés, son beau souci d’exactitude. On pense au récit de la journée du premier homme, de
Buffon...

 Jamais Philippe n’a eu besoin de tout dire, de ne rien oublier, comme dans Charles Blanchard. Mais ce besoin même l’embarrasse, le retarde et le harcelé de scrupules.
 Dès le départ, tout se complique.
 Il le sent tour à tour, et avec autant de certitude, en majeur et en mineur. La lumière change indéfiniment sur son paysage. Le choix des états, des "motifs" et des phénomènes l’inquiète.
 Va-t-il se laisser intimider ? Va-t-il marquer la tendance, ou subir tout ce qui se présente et laisser les plans se peupler comme ils veulent ?
 Le livre "général" et le particulier : L’histoire de Charles Blanchard ; le Livre du Pauvre — se disputent Philippe.
 Son goût de " l’expérimentation sans idée préconçue " lutte avec sa vision du monde...
 La multiplicité des points de vue le trouble : Philippe a l’esprit scientifique. Il ne peut pas voir un phénomène s’amorcer sans le poursuivre...
 Il est brouillé par le raisonnement. Chaque fois qu’il fixe son problème, tant de solutions se proposent... Aussitôt qu’il en presse une, les autres s’élancent pour la délivrer !
 Lui qui croyait qu’il n’y avait qu’à suivre, il voit trop de chemins se former sous sa marche... Ils s’embranchent sans cesse aux deux grandes lignes : Une route naturelle — une route stratégique. La ligne réaliste, et l’autre. — Sur lequel, et jusqu’où suivra-t-il son père ? Comment l’amener au travail ? Par le chemin des écoliers, ou des martyrs ?...
Il dira plus tard : ’’ Écrirons-nous Charles Blanchard, l’enfant du malheur, ou Charles Blanchard le consolant jeune homme ?

Tous les faits l’entraînent à leur loi. Tous les états le haussent a leur paroxysme. S’il y a une "hiérarchie des faits," Philippe est constamment porté des faits secondaires aux faits à grand rendement. Nous le verrons tiraillé sans répit de l’état d’émotion à l’état de constatation., de l’état sentimental à l’état de définition ou d’hypothèse... Un Philippe répresseur et réducteur lutte avec l’autre...
 Nous allons assister une fois de plus à un épisode de cette lutte multiple entre le besoin de généralisation et l’expérience, le "dogmatique et l’historique", la nature et l’intelligence...

 Il lui faut suivre et marquer d’ abord que les chevaux de bois signifient bien autre chose qu’un seul bouquet et qu’un seul gâteau pour toute une enfance aride et maladive, et que ce "gâteau de fête" est empoisonné : Charles Blanchard mord a même et ses dents se meurtrissent sur la fève : une vérité dure : " Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux et je l’ai trouvée amère... — L.e poison va rester dans toutes nos veines. [2] " Philippe, cette fois-la, peint ses chevaux de bois comme un tournesol extraordinaire et comme une nouvelle merveille du monde, mais comme une terrible découverte, avec toutes ses conséquences... L’aspect du marché de sa petite ville fait comprendre a Charles Blanchard qu’il est creux et qu’il a faim. Les chevaux de bois lui font comprendre qu’il est pauvre. Il court demander à sa mère, un sou ! Ce sou, tournevis, ouvrirait la porte qui vous sépare des autres classes. — Comme dans la journée du premier homme, il prend alors conscience des limites de son existence : Où la chèvre est attachée, il faut quelle broute, et : Quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a... Le voilà rejeté par les chevaux de bois dans sa classe et dans sa maison : " C’est ainsi que les maisons sont puissantes, que les choses sont avides, qu’une grande communion s’est établie dans le monde, que tout s’attire, que qui peut céder doit céder, et que celui qui peut céder cède avec une telle faiblesse qu’on sent que Dieu l’a voulu. Ne pouvant conformer leur âme à la notre, les objets qui nous entourent conforment notre âme a la leur. " C’est alors que Charles Blanchard, retombé dans sa maison, repoussé près des amis dont s’était distrait son cœur, regarde un peu mieux ce qu’il avait vu si mal et fait plus ample connaissance avec le Pain : Il est tendre, puis rassis, puis sableux. Sa mère en fait l’économie. Elle monte la garde autour de ses miettes. Mais il y a aussi le Terme, qui est un ennemi intime, et les dépenses, avec lesquelles on ne peut pas ne pas échanger quelques paroles, et les vêtements, qu’il faut renouveler parce qu’on a grandi. Mais si l’on grandit, c’est par le Pain ? Le pain lui-même fait la guerre au Pain ! Solange, en vain, cherche du travail, fait de faux-calculs et cherche a tricher avec le pain. Vaincue et lasse, elle pleure sur sa défaite et se décide à mendier.

C’est que Philippe, lorsqu’il remonte le cours de sa jeunesse, lorsqu’il pense à la vie de son père, à tout ce qu’il en a entendu dire, à tout ce qu’il lui a entendu raconter de sa peine, à la continuité de son effort, et de quelque coté qu’il se tourne et marche, se heurte a des journées de pierre, à des sonorités d’hiver... Quelqu’un rapporte que Flaubert travaillait parfois sous l’impression d’une certaine couleur, et pressait la matière jusqu’à lui faire suggérer l’idée de cette couleur : " Ainsi, dans Salammbô, j’ai voulu faire une chose jaune... " Philippe, ainsi, se trouva peu à peu conduit à faire, en amalgamant ce qu’il savait de la jeunesse de son père avec ses propres souvenirs, avec tous les fantômes, avec tous les éléments pauvres qui voltigeaient, comme des feux Saint-Elme, autour de ses personnages, une chose pauvre, une chose de plus en plus pauvre, le livre du Pauvre. Plus il avançait dans Charles Blanchard, plus il se trouvait entraîné loin, dans des régions de plus en plus froides et sombres, et comme dans les limbes où vivent les larves et les têtards de la Misère... Il passait de la Pauvreté dans la Misère. Il me disait le tourment qui l’habitait de faire quelque chose d’horriblement aride et désertique. Il cherchait à faire tenir ses personnages sur les plus faibles bases possibles, et qui fussent bien juste suffisantes pour y garder son équilibre. Il voulait faire voir du plus près possible que les Blanchard ne sont aidés que du plus petit nombre de forces étrangères qui puissent assister un être, et qu’ils n’ont autour de leurs tristes corps que juste ce qu’il faut de matière extérieure pour y étayer, pour y traîner, pour y prolonger la pauvre vie qu’on a reçue... C’est un peu de terre, un pot trop étroit pour sa plante, une brindille où rampe un insecte au bord d’un gouffre... Et c’est l’Intérieur où se tiennent les deux Blanchard, ces deux fakirs de la misère, comme deux corps qu’on viendrait voir, pétrifiés par quelque éruption, dans la posture où la mort les aurait surpris. — Tout y sent l’odeur des intérieurs pauvres de la campagne, l’odeur de pisé, l’odeur d’encre de l’âtre éteint, l’odeur d’ombre moisie de l’arche ouverte et vide... Philippe veut qu’on y touche le fond de la Misère, mais de cette misère immobile, fascinée et fataliste où l’on trempe comme dans une baignoire, et qui se refroidit par degrés jusqu’à ce que la chaleur du corps ne puisse même plus s’y maintenir ; de cette misère où l’on gît comme dans un caveau provisoire, juste au-dessus de son tombeau... Tout y semble toujours à deux doigts de la mort... Tout y donne l’impression d’un équilibre instable impossible à maintenir, et non pas d’une chute prochaine, mais d’une consomption qui se traîne, et d’une veilleuse où il n’y a plus d’huile et qui n’en finit pas de s’éteindre...
 " Les quatre murs surveillaient la chambre, pleins de pierres rugueuses., sans rien qui en adoucît la dureté, dans un vis-à-vis terrible, dans une sévérité implacable, quatre murs entre lesquels le sol noir était nu. L’ombre qu’ils versaient, troublée par le jour verdâtre d’une fenêtre basse, s’était retirée dans les coins en attendant son heure. Quand le soir ici viendra, l’on sera bien seul dans un monde bien dur. Il restait encore une table, trois chaises, le lit et la huche. Une des chaises était estropiée. Les autres meubles étaient partis depuis longtemps. " On avait encore à sa disposition tout ce qu’en peut tirer de soi-même : Il y a l’Ennui qui bâille et vous entre dans la bouche où il rejoint la Faim qui monte, et que le prisonnier cherche a fléchir par l’étude infiniment lente et concentrée de son cachot. L’on possède aussi les larmes. On peut s’occuper à les pleurer, comme une araignée sécrète sa toile... Et le Froid vous fournit encore des occupations : Connaître son corps, le perdre et le retrouver : " Je ne sens plus mes pieds, " disait Solange. On peut travailler à ne pas avoir froid. Nourrir un feu maigre avec des pierres... Et il y a encore le Pain, dont on peut faire mille expériences... Avec des matériaux si pauvres, on est bien forcé de refaire et de redécouvrir le Monde. Solange, un jour, en est réduite a découvrir son propre enfant !
 Non. Jamais Philippe n’a eu besoin de tout dire, de tout sortir, et, pour me servir d’une expression militaire "d’installer" comme dans Charles Blanchard. Il y a faim, plus que jamais, de sincérité totale et d’exactitude absolue. Les mots y crèvent de sens. Les pesées en sont rigoureuses. Il n’oubliera pas une seule de toutes les façons qu’invente le pauvre d’employer le pain qui lui reste. Cette idée de Misère, qui, malgré tout, demeure abstraite pour quelques uns des meilleurs et des plus hardis d’entre les hommes, pour ceux-là même qui sortent de leur coquille d’ivoire, mais qui n’ont jamais pensé qu’ils pourraient descendre un jour dans sa Cave, il ne lui suffit pas de la leur faire passer, tâter, flairer, dans une vision concrète irrésistible, et de les pousser brusquement dans son intimité, tout contre son visage, comme par une porte ouverte sur la nuit froide... Il veut encore la leur faire connaître comme un condamné connaît sa cellule. Il veut faire de Charles Blanchard le dépositaire d’une science qu’il possède en spécialiste et qui en fuit un des hommes représentatif s parmi lesquels l’humanité choisit ses héros : La pierre qui ! apporte à la grande science humaine, c’est la science de la Pauvreté, de la pauvreté jusqu’à la Misère, jusqu’à l’asphyxie par la misère — et jusqu’au Travail, qui ouvre la fenêtre ! Il tourne et retourne son personnage. Il le complique, il le développe, il le simplifie dans tous les sens. Il le modèle et il le presse comme une terrible statuette. Il le fait sortir de sa case pour mendier son pain avec sa mère, et il le traîne dans le paysage, jusqu’à tant qu’il lui fasse dépasser et dominer ce paysage après l’y avoir subordonné... Sans relâche, il le roule et l’enfonce dans sa misère, depuis le jour où les chevaux de bois lui en ont fait prendre conscience, jusqu’au jour où il lui fait découvrir, chez le sabotier, le truc : levier, cric et passe-partout — qui vous en fait sortir ! Principe du mouvement perpétuel, talisman, lampe d’Aladin qui peut faire jaillir une fortune, unité de Vie : Le travail ! Avec la joie de celui qui trouve enfin son équilibre ; avec la joie de quelqu’un qui pense pour la première fois dans une langue étrangère ; avec la joie d’un enfant qui voit pour la première fois le mouvement d’une montre ; avec la joie de qui sait nager ! — Car je ne sais rien qui verse une lumière aussi joyeuse que cette petite phrase qui se déclenche toute seule, un jour, comme un fruit mûr, de l’esprit de Charles Blanchard : " Mon oncle, voulez-vous que j’essaye de fendre votre bois ? "

Philippe écrit donc Charles Blanchard comme un livre de leçons de choses, de leçons de choses passionnées sur quelques " facultés de l’âme. " On a tour à tour l’impression d’ une relation de voyage dans un pays mortel par son explorateur, d’une sorte de cours vulgarisateur fait par un technicien, d’une sorte de " leçon d’anatomie " du pauvre, d’une sorte de Francinet du pauvre. Mais du cas particulier qui l’occupe, du détail où il se penche, où il s’enfonce, où il se couche, où il promène son observation scrupuleuse, son enthousiasme atroce et clairvoyant, sa curiosité terrible de médecin malade qui se soigne et fait son observation lui-même, sa conscience désespérée qui se torture et retourne le fer dans sa propre blessure, sa délectation morose à tout dépeindre — il est renvoyé, comme par un ressort, au Général... Et il y frappe de toutes ses forces jusqu’à ce que l’éclair en jaillisse et que son lyrisme, longtemps couvé par l’examen vigilant des faits, prenne son vol et l’emporte à la sanctification de la misère et du travail l

Mais ce besoin même d’ exactitude et de sincérité besogne Philippe dans tous les sens. Il l’arrache souvent à son Pauvre, Il le fait revenir entre temps de son Charles Blanchard typique. Il en voit un autre bien d’aplomb, les sens attentifs, et qui na rien de commun avec le premier, le têtard... Il marche dans sa petite ville ou les travaux sont gais, la vie facile, et qui représente le monde entier. Des heures de bonheur défilent dans le soleil et dans la joie. Mais le temps se couvre... La mer de Misère grossit et remonte. Les vieilles blessures se rouvrent. L’autre fois, tu voyais un enfant sensible devant un " manège ", dans une petite fête ; à présent tu vois un enfant pauvre devant la roue de la Fortune... La plus belle image du bonheur ne sert qu’à nous faire comprendre que ce bonheur n’est pas pour nous. Philippe se ravise et recommence...

Et chaque fois qu’il recommence, on voit bien qu’il éprouve une fois de plus le sentiment d’un faux départ. Son trou se remplit à mesure qu’il y pioche.

Son incertitude ne fait que croître à mesure qu’il sent se dessiner une tendance de Charles Blanchard.

Il le sent se gonfler, s’enrichir de mille affluents, monter en lui comme une onde et murmurer d’une voix suppliante.

Il est conduit de plus en plus loin par un filon, remorqué de plus en plus loin par son instinct de la direction.

La matière s’est fatiguée sur l’espace où il travaille. Le trait ne mord plus qu’à côté, plus loin, toujours plus loin...

Nous voyons successivement se peser dans son esprit : La vie de Charles Blanchard, la vie d’un enfant pauvre, la vie d’un homme qui sort de la pauvreté par le travail, le livre du pauvre, le livre de la misère, une sorte de poème critique à la sanctification de la misère... Et il y aura Charles Blanchard comme il y aura eu César et Julien Sorel...

Ce livre évolue comme un organe, s’altère, s’empêtre, guérit, se déduit de sa propre substance et se multiplie par lui-même au jour le jour. On n’y voit point de progrès, mais de nouvelles parallèles qui s’y forment... Pas de forage aussi profond, rien d’aussi creusé, d’aussi dur, dans aucune littérature. [3]

Par horreur foncière de jouer la facilité, par ambition de conscience et de scrupule, pour y vouloir faire tenir trop de choses et réaliser un trop subtil équilibre, il finit par l’abandonner. Pour le reprendre plus tard, disent les uns. Philippe jugeait que le plus fort était fait et qu’il lui fallait le laisser reposer. Définitivement, disent les autres. Charles Blanchard, aux yeux de Philippe, sort de son " révélateur " au moment même où il sort de la pauvreté par la découverte du travail. Que lui reste-t-il ? Des années d’ apprentissage et une vie d’homme. Et Philippe les a décrites ou indiquées partout ailleurs. — Mais que faut-il penser de cette phrase : " C’est ici que " le grand-père " termina ses tristes jours ?... "
Les chapitres que nous publions de Charles Blanchard inachevé ne sont donc pas des " études " qu’il faisait pour un tableau, mais ce tableau même, qu’il recommençait autant de fois qu’il croyait le voir dans les conditions nécessaires à son achèvement définitif et peut-être à mesure que les événements de sa propre vie s’engorgeaient ou se déliaient, et que ses pensées s’assombrissaient ou s’éclairaient... Tel est le terrain, telles sont les raisons ou se jouent ces variantes et ces redites. Il nous fallait donc les publier telles quelles, l’une sur l’autre et dans leurs états successifs, comme on superpose les portraits d’une même famille pour en obtenir une sorte de type... Et je tiens que sur aucun champ de bataille on ne vit aussi clairement aux prises, une volonté et des événements ; le sentiment et le sens critique ; l’instinct et le scrupule ; l’intelligence et la nature ; un grand écrivain et son œuvre...

Voici une variante ou ce n est plus Charles Blanchard qui court trouver sa mère pour lui demander le sou qui lui ouvrirait le jardin féerique... C’est elle qui va le voir à la fête, comme on irait voir un ascète en extase, et le fait tomber de son rêve, comme on réveille un somnambule : " Il se retourna : Ce n’était quelle ! " Dans une autre, ce n’est pas le manque d’un sou qui rejette Charles Blanchard dans sa classe. Il n’a pas besoin de cette preuve pour s’y laisser retomber. Car il sent, simplement, la disproportion qui existe entre la vie des chevaux de bois et de leurs hôtes, et la sienne. Il l’aurait son sou, qu’il n’oserait même pas s’en servir ! De la poche, la pauvreté passe dans le cœur, à la longue... Au reste, il a conscience d’avoir déjà pris plus que sa part de la fête : Il a osé se faufiler dans ce tournoi de nobles, courir tout autour, et toucher un grand cheval rouge ! — Ailleurs, les chevaux de bois l’aident surtout a classer les hommes. Il ne comprend enfin ceux-ci, qu’il avait mal vus jusqu’alors, que par leur conjonction avec ceux-là. Charles Blanchard prend la mesure de ses propres moyens et de son Destin par l’aspect des moyens des autres, et il s’aperçoit de ce qu’il ne peut pas faire en les voyant faire ce qu’ils font. — Dans une autre encore, Charles Blanchard pleure sur lui-même ou sur son frère intérieur, qui ne peut rien pour lui. (Comme Charles Blanchard, il me souvient d’avoir pleuré, jadis, devant un tableau qui représentait un château-fort avec ses tours sous un ciel d’orage, et devant un gros tas de sable où des enfants riches creusaient des canaux pleins d’eau courante et des tunnels — dans le sentiment de mon impuissance à les posséder ou à les refaire...) Charles Blanchard éprouve encore, ailleurs, ce sentiment quil est en plus, qu’il est en trop, quil na aucun droit, pas même de niche, et que ce ne sont pas seulement les chevaux de bois qui lui sont interdits, mais toute la vie qui commence au bord de son attente : Il ne lui a été réservé aucune place. Il faut donc qu il profite constamment du mouvement pour en boucher une, comme au jeu des quatre coins... Charles Blanchard sera toujours semblable a ceux qui entrent par fraude dans un théâtre, et qui, partout ou ils se glissent, souffrent de V angoisse d’ être chassés par ceux qui viendront occuper leur place. — Une redite complète par quelques détails et sur certains points le premier chapitre de Charles Blanchard qui parut dans la Nouvelle Revue Française. Philippe y précise un peu durement V attitude courbée, repliée, tassée sur sa chaise, de Solange Blanchard. Et cette fois, c’est elle qui goûte ses larmes et non plus Charles. Et cette fois, Charles est immobile : " Qui donc a dit que Charles Blanchard irait voir le kiosque de Monsieur Tardy ? "
Il y a une version de l’intérieur du sabotier où apparaît une petite fille, avec sa façon à elle de voir Charles Blanchard et d’avoir peur de ce peureux... C’est le chapitre du mauvais accueil, comme il en est un autre du bon accueil. (A la fin de cette variante, on lit : " Ce fut ici que Charles Blanchard acheva sa vie. " Plus bas, au crayon : Le grand père (et c’est un surnom qu’on avait donné a Charles Blanchard) vécut là les derniers jours de sa vie. Il semblait qu’il eût a jamais quitté le lieu ou il menait une vie active. Il était venu la prendre sa retraite. — Il y a encore un autre portrait de la petite fille, en ménagère, où il n est pas encore question qu elle ait peur de Charles Blanchard. — Il y a aussi une description vigoureuse, et une description dans une note de bien-être doux, passif, un peu faible, de la maison du sabotier. — Dans une troisième, il ne travaille plus dans l’ivresse d’une lutte saine, mais avec la haine et la cruauté d’une bête en colère....
Une petite étude complète le Marché par de nouvelles touches. Charles Blanchard a faim. Il attend un miracle ! Chez lui, dans la lumière sale, il avait la nausée du fromage. Mais, dans l’éclat du marché clair, il irait jusqu’à en manger ! ! Des notes où Philippe parle de lui-même et de ses souvenirs d’enfance remontent aux premières origines du livre. D’autres renforcent le portrait de Charles Blanchard, ou contiennent des propos de village ou des remarques accessoires...

 Pas un de ces états, pas une de ces variantes n’est éclairée par la même lumière ni sous le même angle que les autres. Un dessin toujours nouveau s’en dégage, un détail toujours significatif y sort en valeur. Et beaucoup sont contradictoires... " Ecrirons-nous Charle Blanchard, l’enfant du malheur, ou Charles Blanchard le consolant jeune homme ? Si Philippe oscille encore entre les deux faces, c’est qu’il fait, plus que jamais, corps avec son livre, avec la " pluralité foncière " du Moi, tantôt maître de ses maladies et de ses fièvres, et tantôt dominé par elles... Et c est lorsqu’il s’ agit de nous-mêmes que nous voyons le plus distinctement qu’il n’est pas de personnage entier, mais rien que des traits de caractère épars, interchangeables, et dont la proportion varie sans cesse... Heureux ? Malheureux ? Tout est peut-être une question de point de départ. Et puis... on l’est tout ensemble, ou tour a tour, et ce sont des volontés et des forces couvertes qui en décident et qui frappent la dominante... " Le cerveau de l’homme est un théâtre où se jouent à la fois plusieurs pièces différentes sur plusieurs plans dont un seul est en lumière." [4] On peut bien se peindre de plusieurs manières, ou subordonner l’une à l’autre, ou les faire marcher toutes de front sans cesser d’être véridique... Mallarmé rêvait d’un livre où deux histoires différentes se poursuivraient, comme â cache-cache, l’une au recto, l’autre au verso... Mais si l’homme bouge, tout se mêle, et la lumière ruse avec l’ombre... Ainsi Philippe tourne avec son livre, comme au pied d’un arbre, son ombre...
Il s’y arrête en pleine lutte, épuisé d’y pousser toute la sincérité de son cœur. Partout ailleurs, il a réussi à projeter ses personnages hors de lui-même, il ne leur donne plus que son regard, il suit leurs actions et court après eux, et joue avec eux comme au furet... Mais Charles Blanchard le possède encore... Il lui ronge le ventre, comme au Spartiate. Il le secoue de ses soubresauts et de ses rages. Ils s’affaissent et se dressent ensemble. — On le voit se débattre avec lui-même. Il ne s’agit plus de " choisir ". Et puis, quand on est Philippe, on choisit difficilement dans soi-même, on ne s’escamote pas soi-même. — Il faut dire la chose : ce nouvel enfant de sa chair ne peut pas sortir, parce que le terme n’en est pas venu...

La lutte m’est chère entre toutes ou je vois passer tant de signes de cette immense dualité qui tourne en nous tous comme un phare, pour peu que nous soyions sensibles et sincères. Parallèlement, dit Verlaine... Mais je ne l’ai jamais mieux suivie que dans la vie et dans l’œuvre de Philippe. Elle allait chez lui jusqu’au conflit, car il ne faisait rien sans flamme. Nous avons le besoin du parti-pris et le don de la bonne foi ; l’envie de tout expliquer et celle de nous en rapporter a notre instinct ; la mystique et la sceptique ; le sentiment des sacrifices qu’il est nécessaire de faire à l’ensemble et le goût de l’examen passionnément équitable et soigneux de tout ce qui se présente ; le souci de la composition et le plaisir de voir les choses pousser et se composer d’elles-mêmes, dans le cours du temps et de la fonction ; le goût de l’exceptionnel a la Dostoïevsky, mais souvent le besoin de tout envisager d’un point de vue de justice occidentale assez maussade ; la balance du Droit et du Devoir de l’homme, le " J’aime mieux une injustice qu’un désordre," de Gœthe, et le plus précieux respect de l’individu ; l’appétit du plaisir et le tourment de se tenir la dragée haute ; la manie de la liberté et le prurit de la discipline ; la connaissance profonde de notre faiblesse et la prétention de nous prouver notre force. Quoi qu’il en soit de cette Vérité dont parlent Monos et Una ; de cette vérité dont on a si faim et qu’on est si fort pressé de connaître, lorsque certains signes vous avertissent et que l’Inconnu souffle son haleine, de cette vérité qui soulève encore sur son grabat le moribond de Mort et Transfiguration, Philippe l’a cherchée passionnément. Maintenant qu’il s’est résorbé dans l’immense amour, qu’il est " ressuscité, enfin ", qu’il est du côté que c’est vrai, sans doute, qu’il sait et qu’il tient les clefs des Portails et qu’il a cessé de vivre pour être, touche-t-il un peu de cette vérité, touche-t-il un peu de son immense corps ? Et cela peut-il nous consoler de ne plus pouvoir le serrer dans nos bras ?

Léon-Paul Fargue.



Musée Charles-Louis Philippe, Cérilly (Auvergne).
L’atelier paternel dans la maison Philippe.
Photo D.G. Doc. A.G-C. (avril 2010)
Musée Charles-Louis Philippe, Cérilly (Auvergne).
Vue de la cour et du puits depuis la chambre
de C.L. Philippe. Photo D.G. Doc. A.G-C. (avril 2010).




CHARLES BLANCHARD (ebook ci-joint)

AVERTISSEMENT

Cette édition de Charles Blanchard comprend deux parties :

La première est formée de deux chapitres : I. Le Froid — et II. La Maison du Sabotier, considérés par Charles-Louis Philippe comme prêts à la publication. Le premier fut publié de son vivant, le second après sa mort. Tous deux dans la Nouvelle Revue Française (janvier et février 1910).

La seconde se compose d’un supplément à la première version : Solange Blanchard envoie Charles Blanchard quêter aux enterrements qui parut dans la Nouvelle Revue Française (avril 1913) — d’une seconde version : Le Pain, qui parut dans la Grande Revue (juin 1910) — d’une troisième version : Charles Blanchard heureux... etc. qui parut dans la Nouvelle Revue Française (15 févier 1910) et de Variantes 1° de Charles Blanchard dont une : La Maison du Sabotier, III parut dans les Cahiers Nivernais et du Centre (février-mars 19 10). 2° des différentes versions, dont deux : Paroles de Solange et Chevaux de Bois, IV parurent dans le premier numéro des Cahiers d’aujourd’hui et dont les autres sont inédites.


TABLE DES MATIERES

 - - - -

PRÉFACE
par Léon-Paul Fargue
. . 9

 - - - -

CHARLES BLANCHARD

Chapitre I. (Le froid) . . 39

Chapitre II. (La maison du Sabotier) . . 69

Supplément a la première version :

Solange Blanchard envoie Charles Blanchard
quêter aux enterrements . . 101

 - - - -

SECONDE VERSION

Le pain . . 113

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TROISIEME VERSION

I. Charles Blanchard heureux . . 149

IL La Petite Ville . . 154

III. Le Marché . . 159

IV. La Foire . . 164

V. Les chevaux de bois . . 168

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VARIANTES

De Charles Blanchard

a. du chapitre I (Paroles de Solange) . . 177

b. du chapitre II (autre début) . . 183

c. du chapitre II (la maison du Sabotier 1) . . 187

d. du chapitre II (la maison du Sabotier II) . . 194

e. du chapitre II (la maison du Sabotier III) . . 198

Des autres versions

a. Le Marché . . 221

b. Les Chevaux de bois I . . 223

c. Les Chevaux de bois II . . 127

d. Les Chevaux de bois III . . 231

e. Les Chevaux de bois IV . . 234



Forêt domaniale de Tronçais (FR).
Tronc torsadé du Chêne Carré (le plus vieux pluri-centenaire de Tronçais).
Doc. A.G-C. (avril 2010).



ÉPILOGUE, UN POINT DE VUE ACTUEL

Pour mémoire et pour information, la présente recension comprend un rappel entremêlé d’idées personnelles subséquentes à propos de Charles Blanchard, dans l’espoir d’éclairer la dimension critique anti-romanesque et supra-naturaliste (!) de l’intégrale de Charles-Louis Philippe, selon les leçons tirées de la recherche grâce à laquelle cet auteur et son mouvement ont été l’objet du dossier thématique de La revue des ressources. Il convient de situer encore que, l’auteur commence Charles Blanchard, pseudonyme littéraire du père dans le livre que son fils lui destine, du vivant de son personnage vrai mais en son désagrément, puis qui meurt brutalement, en 1907, alors que l’ouvrage n’est pas achevé. Néanmoins, l’écriture du texte sera poursuivie : ici commence la préface de Léon-Paul Fargue...
L’ouvrage finalement serait resté en suspens, mais publié sous son titre exclusif parmi les premiers livres de la collection blanche de la NRF, on peut considérer que l’œuvre résulte tel le texte advenu en ce livre deux ans après la mort de l’auteur, grâce à l’assemblage posthume réalisé par Léon-Paul Fargue sous la direction d’André Gide, gardien éditorial de Philippe respectant qu’il l’ait inspiré notamment dans la création de la revue. On peut envisager que la déconstruction de La porte étroite (1909), et le manifeste critique sur la banalité qu’il contient, furent une réponse à la critique sans concession que Philippe fit à Gide après avoir lu Le Retour de l’enfant prodigue (1907) — voir la lettre de Charles-Louis Philippe à André Gide, le 2 juillet 1907, toujours dans le numéro d’hommage de février 1910 par la NRF).

Pourquoi Philippe aurait-il finalement interrompu l’écriture de Charles Blanchard bien avant que la vie lui fût ôtée ? Si l’on suit Gide : parce que Philippe aurait fini par perdre la possibilité d’une cohérence de ce projet trop souvent repris et modifié ?

Or rien n’est moins sûr au vu de Fargue. Bien au contraire, là serait la puissance singulière, (en partie voulue et en partie non voulue à cause des circonstances), de cette expérience du temps réel de l’écriture "vivante"... Sauf que la réalité d’une indisponibilité passagère de Philippe sous la pression contractuelle d’une publication périodique est indéniable, a fortiori l’indisponibilité sans retour due à sa propre mort. Mort pas tout à fait fatale quant à l’œuvre, — la suite posthume du réseau éditorial de ses meilleurs amateurs veillant loyalement sur les graines semées, — qui survint dans une catastrophe pathologique, le 21 décembre 1909.

Du moins, ceci à cela est-il lié par l’infortune de l’auteur pour la fortune de l’énergie du livre forcément resté une œuvre ouverte, hyperarborescente, plutôt qu’inachevée : Charles Blanchard.

Il quitte le monde au moment d’une nouvelle disponibilité littéraire qui lui aurait permis de retrouver son temps de réflexion intérieure, comme il a déjà recouvré sa sensibilité du monde extérieur, dit-il lors d’un échange direct avec Léon Werth qui relate deux de leurs déambulations nocturnes, dans sa lettre annotant l’hommage de la NRF à propos des Contes du Matin (publication hebdomadaire dans le journal éponyme — Le Matin). Werth y évoque le bonheur des retrouvailles de Philippe avec la perception de la ville, à partir du moment où, au terme d’une querelle, il est libéré par l’employeur même des Contes pour le journal. On peut considérer que la productivité tendue du travail d’écriture et d’imagination compétitifs, pour répondre à la commande hebdomadaire des contes en série pendant un an, quoiqu’il ne s’en plaignit pas durant l’ouvrage, y trouvant un exercice intéressant, (il publiera 49 contes en 1908-1909), n’est pas pour rien dans l’abandon temporaire de la création personnelle, davantage recherchée et ressentie que le simple effet de style maîtrisé, quand de surcroît Philippe doit poursuivre sa charge auprès de la Préfecture de la Seine pour que ses ressources soient suffisantes. Du moins le reconnaît-il de son propre aveu à Werth, cet ami radical, anarchiste anti-militariste et anti-colonialiste assumé, et écrivain singulier devenu le secrétaire de Mirbeau, auquel celui-ci devenu trop malade pour écrire lui-même devra en partie l’écriture de son dernier ouvrage, Dingo (1913). Cette lettre amicale à l’adresse posthume de Philippe publiée en forme de note dans le numéro dédié de La Nouvelle Revue Française, déjà évoqué, le N°14 (note les contes du Matin par Léon Werth, p. 319-323), constitue la participation intégrale de Werth dans ce cadre.

Pourquoi l’article de Werth n’est-il rapporté dans l’ouvrage collectif qu’en notes ? En fait il partage ce traitement particulier avec des personnalités comme Elie Faure, Henri Ghéon, André Ruyters, Jean Schlumberger, entre autres. Mais concernant Léon Werth, la subjectivité critique d’un tel article aurait déplu à Gide qui coordonne l’hommage, comme il se serait déclaré profondément irrité par le texte de Paul Léautaud, qui attendra pour finalement paraître ailleurs, le 1er septembre 1922, dans la revue du Mercure de France, (ce texte de Léautaud, La mort de Charles-Louis Philippe, est accessible à la bibliothèque littéraire Jacques Doucet — fonds des Manuscrits et Autographes).

Les contes du Matiin seraient liés à la catastrophe finale des deux dernières années de la vie de Philippe, au-delà que leur rythme de production contractuelle ait pu installer les conditions d’un empêchement créatif pour l’auteur. Ils sont en effet le signe concret de l’ingérence malheureuse de la mère de Philippe dans sa vie d’écrivain et par voie de conséquence dans sa vie personnelle — et réciproquement — les deux étant liés, dans la production littéraire de son fils. Ce qu’elle n’a pas compris. Mais avant de considérer ce point d’aliénation de l’écriture qui peut l’empêcher d’exister dans sa forme créative, il convient de rappeler que si le père de Philippe n’avait pas partagé l’avis de son épouse sur les choix de son fils pour poursuivre d’écrire, par contre il lui avait raconté de nombreuses histoires, comme le dit André Gide dans sa présentation de l’hommage collectif publié par ses soins. Or le principal des contes du Matin proviendrait d’histoires transmises par le père Philippe, c’est donc une part de la documentation dédiée, sans doute excédante ou superflue mais pour autant sensible de Charles Blanchard qui se serait trouvée déviée, pour être exploitée à d’autres fins.

En quelque sorte, c’est la part maudite de l’inspiration qui est sacrifiée dans le challenge économique et utilitaire pour une commande de Presse, et ce n’est pas familier de la perte symbolique en jeu dans l’écriture de création de Philippe, poétique et philosophique, aux engagements convaincus particulièrement contre la profession d’écrivain à la solde, entre autre. Or l’opportunité éditoriale des contes pour Le Matin est venue de Jean Giraudoux à la demande venue de son propre père, receveur des impôts nommé à Cérilly et voisin de madame Philippe, laquelle l’a requis de prier son fils pour aider financièrement le sien, grâce à des commandes durables. Le résultat ne peut se refuser.

Sans spéculation on peut dire qu’il a été impossible pour Philippe de mener simultanément l’écriture des contes avec celle de l’ouvrage en cours à cause de la trahison avec soi-même — le radicalisme du fonds de référence documentaire sur la pauvreté le concernant et la négociation avec une économie rémunérée de l’écriture qui en émerge. Mais d’autre part les contes pour Le Matin étant conclus, il est pour autant impossible de supprimer l’impact de cette trahison sur l’appauvrissement réel, imaginaire, et même symbolique, du fonds de ressources présidant à la reprise de Charles Blanchard, ce fonds étant déjà partiellement exploité à d’autres fins et forcément assimilé autrement, au fil de l’exercice professionnel moins créatif de son auteur — et non seulement appauvri mais défloré, après ce protocole laborieux d’autant plus implacable qu’exténuant, l’auteur n’ayant pas suspendu son emploi de petit fonctionnaire auprès du département de la Seine (sa ressource de base) d’autre part... Comment radicaliser cette situation par une nouvelle écriture allant au-delà ? Trouver le renouvellement de cette force ? On peut néanmoins imaginer Philippe capable d’une telle performance, une fois remis psychiquement et physiquement de l’épreuve des contes.

Oui, tant qu’il est en vie tous pensent qu’il est parfaitement capable, et même cela lui ressemble, de réinventer la littérature avec la sienne propre. Ce qu’au fond il a toujours fait, d’un moment à l’autre de sa vie comme de son écriture : mourir pour renaître par la certitude confiante de découvrir, d’apprendre, et de créer — formidable énergie du renouvellement dans un éveil perpétuel dont il témoignera jusqu’à sa mort... Pourtant, cela ne se fait pas fait.

Il existe une autre explication, plus spéculative et moins hypothétique, qui reprend dans un autre ordre certaines de ces informations et en saisit de nouvelles, du moins qui parvient à émerger de confronter diverses recherches documentant la formidable préface de Léon-Paul Fargue, une invention littéraire en soi pour honorer la création chez son ami — comprise de l’intérieur par un complice attentif et qui se pose lui-même la question de l’intégration de la vie et de l’écriture... Et il mène à se dire que Charles Blanchard devait rester dans l’état où l’auteur l’avait laissé apparemment en chantier, ou abandonné, pour conclure significativement l’ensemble de l’œuvre par son devenir, l’installer en réseau, au-delà de la vie de ses personnages principaux (dont l’écrivain lui-même).

Philippe ne reproduit aucun de ses livres dans un des suivants, recette qui d’après lui aurait pu faire une option facile du succès de Bubu de Montparnasse, et — pour y revenir, — comme il l’écrit, en 1907, remerciant un critique pour son article positif sur Croquignole bien que le jury des Goncourt ait boudé ce livre et alors, sous l’effet d’un idéal de réussite déçu, il en vient même à faire profession de foi négationniste de son passé comme s’il déclarait l’échec de sa carrière d’écrivain. Réaction auto-destructrice de dire qu’il regrette d’avoir écrit ce premier roman (cette lettre est intégralement reproduite en note 19 du dossier de présentation de l’auteur). Le malentendu consisterait dans l’histoire aguicheuse qui aurait valu tant de succès au livre, d’emblée international et traduit en plusieurs langues, à travers le réseau des lecteurs avant-gardistes de « La revue blanche », où Bubu fut publié en premier lieu dans le cadre d’une édition spéciale, avant d’atterrir chez Fasquelle lorsque cet éditeur reprit le fonds des frères Natansson (pour les aider lors de leur faillite). En somme, Philippe pense que tout le monde n’attendrait plus de sa part que des reproductions de ce premier livre... Ce que reprend d’ailleurs Lucien Werth, dans sa note pour Les contes du matin, l’attribuant à la transgression de la classe sociale par l’auteur — « (...) Du jour où tu n’habitas plus le sixième étage, ils n’ont plus voulu de toi. (...) » — et que Gide à juste titre trouve déplaisant, car ce point de vue de l’extériorité idéologique paraît exclure la subversion de l’ontologie créative, métaphysique, substantielle, qui existe dans tous les ouvrages de Philippe, étant en elle-même une des causes possibles de son rejet. Plus particulièrement, la violence critique, sociale et philosophique — existentialiste — de Croquignole, suffit en elle-même à expliquer devant nous la possibilité du rejet final par un jury, dans un réflexe d’auto-censure égale à une auto-défense, au mauvais titre d’un commerce « salvateur ».

Dans une lettre à Ruyters Philippe assume pour délibéré ce qui lui est reproché en citant l’exemple de l’ouvrage de Knut Hamsun, La faim, disant que la faim y est le sujet propre comme la pauvreté l’est dans Le père Perdrix (inspiré par le maréchal ferrand voisin des Philippe à Cérilly). Ruyters décidément aura commis plusieurs erreurs de discernement littéraire et social à propos de Philippe, dont il est pourtant solidaire et auquel il doit d’ailleurs son intégration au comité de direction de la revue de la NRF, au titre d’une grande amitié entre eux.... Hamsun est un auteur radical avec lequel Philippe poursuit d’entretenir un dialogue implicite au-delà de leurs différences de culture et de conception politique de la société, sur les questions violentes de la substance du désir, de l’existence, de la pauvreté, du sens des moyens et de la fin, comme un choix visant à la maîtrise de la création littéraire par l’indépendance de l’écriture.

Si au-delà de l’inachèvement de Charles Blanchard et de l’échec de Croquignolle Philippe paraît victime de l’émergence du succès de Bubu de Montparnasse, qui loin de lui donner des ailes aurait mis un frein à la compréhension de ses créations littéraires, c’est que plus tard non seulement il sous-estime ce livre mais il refuse de le voir dans sa puissance créative et novatrice post-naturaliste, peut-être aussi parce que les personnages et l’histoire sont trop proches de sa vie. S’il attribue le succès à la facilité de l’anecdote folklorique et érotique qui par malentendu aurait fondé l’enthousiasme des lecteurs, pourtant ce n’est pas ce qu’en pensent Léon-Paul Fargue et Francis Jourdain lorsqu’ils découvrent ce texte qu’immédiatement ils admirent, et qui les mène à leur première rencontre avec Charles-Louis Philippe — parce qu’un tel livre paraît constituer un diptyque aux extrêmes, avec La mère et l’enfant, publié l’année précédente. Et c’est déjà La maman et la putain que le cinéaste Jean Eustache traitera avec la cruauté tragique du plus grand dépouillement, quoi que le fonds ne soit pas le même (arrivant chez Eustache après George Bataille).

La voix de l’amant dans Bubu de Montaparnasse, qui séduit le milieu littéraire dans un effet de mode générationnel, celui dont seul un livre de jeunesse peut saisir la société populaire dans un cliché critique parfaitement reproduit de son mode de vie et de ses lieux, où chaque lecteur de son temps se reconnaît à coup sûr dans l’environnement parisien contemporain, c’est celle de l’auteur. L’effet de cette voix auto-fictionnelle n’est pas l’annonce d’une aptitude à l’abstraction post-naturaliste de la composition et du style, pourtant bien présente, mais plutôt l’interprétation de la modernité par l’irruption de l’auto-biographie, la narration elliptique, quasiment cinématographique, l’entropie du langage, qui seront retenus comme des innovations en leur temps. Par exemple il y a une anticipation du cinéma. Tel le montage parallèle entre l’escalier de l’immeuble gravi par Bubu et ses comparses, et l’intérieur de la chambre depuis laquelle on les entend arriver. Mieux que dans le cinéma muet qui à cette époque n’existe que sous la forme de plans séquences fixes, sans montage narratif (la première séance publique des frères Lumière à Paris a lieu le 22 mars 1895, l’année suivant l’échec de Philippe au concours d’entrée à l’école polytechnique — 1994 — où il s’installe à Paris dans une chambre misérable du VIIe arrondissement), puisque l’actualisation des sons plutôt que la vision y jouent leur rôle, à travers la perception sensible que peuvent en ressentir Pierre et Berthe pelotonnés l’un contre l’autre, dans le lit de la chambrette dont la porte sous les coups va bientôt libérer la violence annoncée ; et surtout pour finir le livre... sur le silence de la chambre où Hardy sans défense restant seul dans leur lit s’imagine appeler au secours dans la rue au lieu de bouger pour sauver la jeune femme femme que l’on vient d’arracher… Mais de la chambre à la rue en passant par l’escalier se déroule la narration d’un film de court métrage critique de la violence en la faisant ressentir par l’émotion, fond et forme, et au-delà de la couardise exprimée lorsque Hardy reste pétrifié, le cri final est à la fois un appel et un plaidoyer chargé du sens d’un aphorisme par cette séquence narrative qui précède.

Écrit trois ou quatre ans avant Bubu, Philippe expérimente la même technique alternée des points de vue dans la montée des gueux vers la jeune fille qu’ils vont violer, dont elle perçoit l’approche dans son dos, ou plutôt dont l’auteur voit l’approche qu’il voudrait donner à entendre à la jeune fille, et qui les lie dans la fatalité de la violence qui va se produire ; mais le texte est beaucoup plus radical dans la mesure où l’auteur ne modère pas de morale le mal pur, et nous propulse au cœur de l’acte lui-même. (Quatre histoires du pauvre amour, La chair de trois gueux, L’Enclos, 1897).

Mais chez le père de Charles-Louis Philippe, qui inspire Charles Blanchard, il n’est que vertu, comme dans La mère et l’enfant. Comment revenir à la vertu de la pauvreté après les mondanités de Corquignole, seraient-elles vaines et/ou auto-destructrices, et dont ce n’est pas le second volet anticipant le premier, mais sa trahison complète ?

Bubu, (le proxénète et non la prostituée), c’est encore le peuple, version trois gueux. Il exploite en retrait le tempo social du Paris où s’expérimente la déambulation sur les nouveaux boulevards haussmanniens. Tel est le roman qui porte son nom, un roman métropolitain de la déviance, que T.S. Eliott déclare avoir apprécié d’abord depuis cette sensibilité urbaine du Paris de l’époque, qu’il dit avoir reconnue en tout lors de sa première lecture en 1910, et qu’il évoque encore dans sa préface de l’édition anglophone, en 1912…

Philippe mieux que tout autre, et aussi parce qu’en provincial émigré il garde un regard lucide sur la ville tout en souffrance et/ou en jouissance, réalise à travers sa pratique urbaine à la fois personnelle, amicale, et technique (puisque son emploi s’applique aux constructions précaires sur les trottoirs), une œuvre de ses dérives, bien avant les situationnistes. Il plante le décor actif et changeant où se développeront finalement de la même façon la stylistique les personnages et le sujet, s’extrapolant jusque dans l’environnement du village rural, indissociables de leurs contextes égaux à la substance des mots et des phrases qui les expriment incrustés dans leurs mondes respectifs, où il se trouve réellement — ou en empathie.

Quand la phrase au sens strict devient l’environnement conceptuel substitué à la société où se plantent les personnages romanesques, dans la lumière des mots, ce n’est plus le naturalisme anecdotique, c’est la littérature organique de l’invention d’une langue adéquate à chaque contenu. Une langue encore identifiable comme celle de tous et pourtant une langue poétique comme Pierre Guyotat inventera loin de la langue traditionnelle sa langue : lalangue.

Ainsi peut-il en aller de la modernité en quelques prémonitions stylistiques dans Bubu de Montparnasse, de surcroît roman de la vie de Charles-Louis Philippe puisqu’il s’agit d’une auto-fiction documentaire de sa propre situation, celle où il contracte la maladie d’une personne qu’il poursuivra d’aider (comme l’évoque Marguerite Audoux) et qui le mènera prématurément à la mort, une dizaine d’années après, avec l’accélération due à une maladie complice contractée d’une façon dérisoire, répondant au défi d’une maîtresse honorable pour lui prouver sa virilité, en mangeant des huîtres à contre-cœur : les huîtres de la typhoïde qui déclenchera la méningite syphilitique fatale.

Par conséquent, Bubu c’est le roman de la vie et de la mort de Charles-louis Philippe, celui qui était déjà symboliquement mort dans son enfance. C’est le roman prédictible de l’accident méningé de la phase ternaire qui survient accidentellement sur une typhoïde banale, ce terrible mois de décembre, en 1909... par lequel tout le reste de l’œuvre de Philippe se signifie dans les termes de la destinée, de la prémonition, de l’auto-réflexion. Dans l’ouvrage même, l’inconnue de l’échéance probable des épisodes suivants de la maladie est soulevée, venant à la conscience intérieure de Hardy, au moment où grâce aux pilules de mercure, il a enrayé les premiers symptômes.

Au moment où ultérieurement Charles-Louis Philippe se conçoit de nouveau en bonne santé après des épisodes fiévreux en 1908 ; qu’il évoque dans la Lettre à son médecin sur les maladies, dans le premier opus de La Nouvelle Revue Française : se croit-il sauvé pour longtemps ? On peut en douter, comme Elie Faure s’est exprimé sur le problème posé par la négligence des soins routiniers. Mais Philippe aime le risque et prendre ses risques auxquels il attache généralement l’espoir, vu la façon dont il s’est arraché à la mort et à la misère de son enfance du moins pour se retrouver estimé et actif à Paris (sinon enrichi). Quant à la mort même d’un avant-gardiste politiquement et amicalement proche, il vient de l’éprouver par la perte de son ami de la première heure et membre du groupe de Carnetin, Lucien (Dieudonné) Jean, mort d’une pneumonie tuberculeuse. Dieudonné avait réalisé chez lui un des portraits photographiques les plus connus de Philippe, devant un buffet ; on le retrouve lui-même photographié en tenue de canotier en compagnie d’un autre invité et de Philippe, à Carnetin. Sa mort survenue en 1908 est annoncée dans le carnet du numéro original de la création de la Nouvelle Revue Française, dirigée non par Gide qui la refondera avec Gaston Gallimard, mais par Eugène Montfort.

Il y a davantage : Philippe est plus gravement accablé par un autre deuil plus intime, face auquel il se sent coupable de trahison, c’est la mort désastreuse de son ancienne compagne Émilie, qu’il a mise à la porte, et qui réactualise sa culpabilité fantasmatique, obsessionnelle par rapport à sa propre mère à propos de la mort de son père en 1907, d’avoir voulu écrire Charles Blanchard du vivant de ce dernier, qui n’y tenait pas, quand son épouse en réprouvait le projet...

Maintenant, deux culpabilités s’entremêlent avec violence pour celui qui les ressent, et tracent leur préjudice dans l’amplification souterraine, exponentielle, qui se produit généralement à travers des associations psychiques procédant de traumatismes que le refoulement fait ignorer à la conscience. Peut-être que cette culpabilité est matériellement cautionnée par l’influence réciproque entre tous les malheurs, à savoir quand Philippe a sans doute pensé libérer sa mère de ses propres inquiétudes (sur le rapport amoureux de son fils avec les femmes), en lui donnant gage de la primauté du privilège maternel, sur celui de la partenaire domestique associée à la sexualité qu’était Millie. Où le sacrifice de la compagne dont l’amour qu’elle lui voue ne "valent" pas face au respect de la mère, sauf si la compagne en meurt et dans ce cas revient hanter la vie de celui qui l’a abandonnée dans la misère, pour convenir au confort de la mère.

De nouveau, il s’agit du cœur de la vie dans l’impact littéraire, d’une question ontologique qui va installer une rupture dans la production éditoriale, quelque chose d’égal à quelqu’un de sensuellement émergent dans sa vie d’auteur mais dont il a négligé l’appel commun. Quelque chose dont il refuse de percevoir le signe ultime de la détresse de classe, celle qu’ils ont en commun et avec laquelle il cesse d’être solidaire bien que resté pauvre, jusqu’à laisser purement et simplement disparaître son ancienne compagne Émilie après l’avoir abandonnée — toujours en 1908. L’année fatidique de la liaison bourgeoise qui ne conviendra pas à sa longévité.

Émilie Millerand

C’est une jeune femme blanchisseuse originaire de Bretagne, que ses amis disent "athlétique" (sans doute à la voir participer aux tâches ménagères de la communauté), avec laquelle il viit la plupart du temps durant les premières années du siècle, avant de l’écarter radicalement, à l’approche de l’hiver 1908-1909.
Avec elle, il a partagé le "groupe fraternel" (Chanvin, Fargue, Ielh, Audoux, Jourdain, Philippe) et la location en commun de Carnetin où venaient les rejoindre, seulement le dimanche, le cercle élargi des "aubins" (levés à l’aube pour prendre le train des retrouvailles jusqu’à la gare de Lagny). Une lettre de Francis Jourdain reportée dans son ouvrage de souvenirs Sans remords ni rancune (...), mentionne "Philippe et sa Milie" parmi ceux d’accord pour louer une maison de campagne ; c’est dire si Milie et "son Louis", alors qu’ils ne vivent pas encore ensemble, partagent pourtant des projets collectifs... Enfin, Milie a aidé Philippe à aménager son dernier appartement, au 45 quai de Bourbon (trois pièces avec vue, au 3è étage), celui dont Gignoux dit, toujours dans l’hommage collectif de la NRF, qu’il est le seul appartement, clair, sain, et suffisamment grand, pour correspondre enfin à la recherche de l’auteur (mais il n’y a pas l’eau à l’étage, ce qui ne permettra pas d’accomplir les bains froids dans les meilleures conditions d’hygiène, le moment venu). Justement, c’est aussi l’appartement qui ouvre la possibilité du partage quotidien, quoique seulement un deux pièces, et donc compagne ou mère : de toutes façons cela brise la solitude nécessaire à l’écriture, pour l’auteur.

C’est à elle aimante, attentive et passionnée, tandis qu’elle reste à Paris, qu’il écrit sur le progrès quotidien de son Charles Blanchard, dans son contexte même, chaque mois de septembre rituellement passé dans la maison natale de Cérilly, auprès de ses parents puis de sa mère devenue veuve.

Toutes les conditions d’une vie tragique exprimée dans l’intrication de la vie et de l’œuvre de l’auteur, après la mort du père Philippe, annoncent maintenant un dénouement proche. Notamment les nouvelles conditions d’un rapprochement excessif de madame veuve Philippe avec son fils et ses prétentions à influencer ses choix de vie... Mais ce qui fait le fond symbolique de toute l’œuvre auto-fictionnelle de Philippe — excepté les contes, peut-être, mais qui restent liés à sa sensibilité natale, n’est-ce pas une conscience universelle de la précarité de la vie, et la capacité d’en bâtir à la fois l’ironie créative et la joie d’exister, que Claudel lui prête à l’égal de Dostoiewski (comme seuls les écrivains s’arrachant eux-mêmes à la pauvreté et ceux qui la ressentent pourraient l’anticiper).

La vielle de la rupture avec Millie, Philippe, qui a pris sa décision, rend visite à un ami qui travaille dans un ministère ; celui-ci évoque plus tard son regard sombre. Philippe sait devoir commettre quelque chose de meurtrier dont l’enjeu pose une question vitale pour autrui, et sans doute en contrepartie symbolique, pour lui aussi.

Milie mourrant peu après qu’il ait rompu cruellement avec elle, la décision d’arrêter le manuscrit de Charles Blanchard aurait-elle un rapport sensible, irréversible, avec la fin d’une inspiration correspondant à l’environnement partagé entre eux, — elle, dont la condition sociale lui permettait d’avoir l’oreille de classe percevant le juste son de la pauvreté parentale du père Philippe ? Ou au contraire Milie serait-elle devenue un bouc émissaire de la fin de l’inspiration personnelle de Philippe pour ce projet sur la pauvreté du père dont il n’avait pas imaginé devoir faire son deuil vrai ? Et le père n’était-il pas au contraire de la mère la personne qui ne croyait pas en son fils — donc en lui ?

Il y a aussi la menace du retour de la maladie qui s’était faite oublier et qui peut expliquer une impatience, une exaspération due au refoulement de l’angoisse. Quoi qu’il en soit, la rupture a eu lieu sous couvert de disputes incessantes dues à la jalousie de Milie qu’il n’aurait plus supportée, dans la situation pour le moins pressante de certains amis parisiens — proches mais extérieurs au "groupe fraternel", — trouvant inconvenant qu’il vive avec leur femme de ménage (André Salmon), pression redoublée par cette contrainte matérielle nouvelle, déjà évoquée, que depuis la mort de son père sa veuve mère madame Philippe vînt passer l’hiver chez lui à Paris, et plus longtemps que jamais l’hiver 1908-1909 — jusqu’au mois d’avril.

Ce qui élargit la faille en toute chose infranchissable — l’ouvrage toujours prend source chez Philippe non seulement dans sa sexualité et son désir mais encore dans sa sensibilité intime du mal (or où et le mal chez son père ?), ce qui ne supporte pas d’entrave ni de division sans atteinte à cette fragile cohérence. D’autant plus qu’en homme de réseau, il est exposé aux pressions professionnelles externes dont il aurait du être protégé par sa singularité (c’était le cas tant qu’il ne prétendait pas réussir socialement dans le sens convenu), même si homme de réseau il put en tirer une autorité intellectuelle et un plaisir social.

Il revenait à Fargue dans sa propre quête symbolique de l’écriture, (au moment même où il allait enfin se déterminer entre les Arts et les Lettres), parce qu’il était allé à la rencontre de celui qui avait pu écrire ses deux premières oeuvres de la maman à la putain, qu’il dut se pencher sur Charles Blanchard, qui les excède... Puisque cette dernière création réside en fragments, dans cette structure même et son objet, elle constitue l’oeuvre Charles Blanchard en critique du roman, Fargue en révélant le miroitement décentré. Ainsi, Philippe aurait réussi, au-delà de ce qu’il ne put maîtriser de sa vie biologique, sociale, et d’auteur, la métamorphose romanesque en autre du roman, autre de l’auteur même qui le déserte, tel qu’à Gide il annonçait en chercher une voie nouvelle de l’écriture.

Charles Blanchard, livre idéal du père insatisfait par son fils ce qui est inexpiable (irréductible à l’oeuvre), s’élabore dans une critique de la dialectique de l’oeuvre d’auteur à l’opposé de Proust, où s’oppose l’auto-biographie centrée qui allait donner naissance à l’œuvre romanesque — le livre de la mère compréhensive de l’enfant (mais qu’elle cessa d’être pour circonvenir d’intentions conformistes son fils devenu adulte, alors qu’au contraire il dût poursuivre d’échapper à tout ordinaire, condition nécessaire de sa réussite selon le directeur scolaire au moment de l’attribution boursière, leur disant les chances en dépit de l’aspect physique), — au livre décentré contre le roman, le livre de la métamorphose, au sens propre, de Charles Blanchard, ouvrage totalement poétique (de la poésie en prose des libertaires, au roman).

... Tous ceux de Carnetin encore vivants et habitant à Paris sont venus... La nuit, quand il est mort, les amis les moins éprouvés par les veilles auprès du mourant se sont installés dans une autre salle, ouverte sur le couloir, avec un bon buffet improvisé pour réconforter les autres. L’infirmière est là, conviée en remerciement pour son dévouement, bien sûr. Et quand madame Philippe restée près de son fils entend sauter le bouchon du champagne, bonne vivante en dépit du pire comme avait pu l’être son fils, à son tour elle les rejoint dans sa robe à traîne qui s’ébruite sur le sol du couloir, « frrrt, frrrt, frrrt...  » [5]

Aliette G. Certhoux *



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P.-S.

● Remerciements : Source archive.org de Open Library. La préface de Léon-Paul Fargue est notre corrigé de la version Texte proposée au lien d’Archive ainsi que notre restauration des alinéas au plus près de la typographie de l’ouvrage original.

● Remerciements à madame Aurat, de l’association des amis de Charles-Louis Philippe, qui nous a transmis sa recension des années parisiennes de Philippe, à l’occasion du centenaire : résumé des faits et rencontres importants, d’après la collection des livres et des correspondances du musée et de la bibliothèque du musée dédiés, dans la maison natale de l’auteur, à Cérilly (Auvergne).

D’autre part, certaines informations proviennent de la biographie de Jacques de Fourchambault, Charles-Louis Philippe, le bon sujet, coll. L’oeuvre et la vie, éd. Denoël, Paris, 1943.


● OUVRAGES DE RÉFÉRENCE ACCESSIBLES EN LIBRAIRIE :

Presque tous les ouvrages de Charles-Louis Philippe sont actuellement accessibles sur amazon.fr — en tous cas tous les ouvrages cités dans la préface et dans l’épilogue, — et parmi lesquels les deux éditeurs actuels pour Charles Blanchard, dont un seul présente la préface de Léon-Paul Fargue (éd. BiblioBazaar, 30 septembre 2009).

La Nouvelle revue française

 réédition des N° 1 et 2 ; (en fait ce sont les deux N°1 — celui de la discorde, dirigé par Montfort en 1908, finalement réédité par la NRF, et celui fondant la NRF inaugural de la série traditionnelle en 1909, avec un comité de direction) ; ils comprennent respectivment le texte de Philippe Sur les maladies et celui de Gide La porte étroite).

 exclusivement en version numérique téléchargeable : le N° 14, entièrement dédié à Charles-Louis Philippe, en vente dans la Librairie immatérielle.

● Pour mémoire du dossier :

Le musée Charles-Louis Philippe à Cérilly (Auvergne), présente une petite bibliothèque comprenant la plupart des ouvrages et la correspondance de référence de et sur l’auteur, ainsi qu’une petite librairie des éditions de l’association, très édifiantes, Bulletin et réédition de la Revue d’hommage, à l’occasion du centenaire...
Tous les ouvrages réédités récemment, ainsi qu’un recueil de la correspondance de l’auteur avec sa famille et André Gide, sont en vente au Point Presse de Cérilly.

Une autre partie importante de la correspondance de Philippe se trouve à la médiathèque Valéry Larbaud, à Vichy. D’autres documents le concernant se trouvent non loin de Cérilly, au musée Marguerite Audoux à Aubigny-sur-Nère, et d’autres encore à consulter dans les mémoires et 119 Lettres d’Emile Guillaumin, au musée Émile Guillaumin à Ygrande.

Notes

[1Charles-Louis Philippe, Charles Blanchard ; ebook téléchargeable en pdf (Domaine Public). Réalisation : Robarts @ coll. de Toronto ; sponsor : MSN (Source archive.org & Open Library).

[2Rimbaud

[3Cf. Olivier Twist, L’Enfant, Les Précoces, Le Petit Chose, etc.

[4Taine.

[5Jacques de Fourchambault, Charles-Louis Philippe, le bon sujet, col. L’œuvre et la vie, éd. Denoël, 1943, Paris. (D’après des témoignages parmi lesquels celui de Léon-Paul Fargue).

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