J’ai fait un rêve où un jeune Lord anglais tente de désarçonner une visiteuse à cheval en demandant à sa monture de ruer, or je ne sais pas dire « ruer » en anglais. Peut-être le jeune Lord avait-il simplement crié « choux », mais je ne crois pas car alors, pourquoi le cheval aurait-il rué à chaque « choux » ?
Je suis persuadé de la puissance symbolique des rêves. Certains rêves, par exemple, peuvent guérir de maladies que l’on ne savait pas avoir et que l’on n’aura plus. A 32 ans, suite à une discussion sur les bébés Ogino, j’ai fait un rêve dont je ne me souviens absolument pas sauf que dans le rêve j’ai hurlé, un cri atroce, je me suis réveillé en nage dans l’écho de mon hurlement silencieux. De suite, je me suis senti apaisé ; je me suis rendormi. Le lendemain, dès le réveil, j’ai sorti toutes mes cravates, j’ai défait les nœuds que mon père avait faits, et je les ai refaits. Jusqu’alors je n’étais jamais parvenu, malgré de nombreuses et honnêtes tentatives, à apprendre à faire les nœuds de cravate.
Dans un rêve comme dans un roman, tous les personnages dit-on sont en réalité l’auteur. Dans mon rêve de cette nuit la cavalière pourchassée faisait preuve d’une très grande maîtrise de ses nerfs et de sa monture, échappant à la poursuite du petit Lord en la faisant sauter d’un toit, plusieurs mètres d’un saut qui ressemblait à une chute et ils avaient dans le silence de nos respirations suspendues atterri sans encombre et poursuivi au galop. On avait applaudi (nous étions quelques-uns, semble-t-il). Puis l’équipage revenu au trot a fait une boucle, et la cavalière est passée devant nous. J’ai à nouveau applaudi lentement, la regardant bien droit, essayant de lui faire passer toute mon admiration. Grâce à la liberté du rêve j’avais pu dans l’intervalle voir au super-ralenti le moment où le cheval et elle, ne faisant qu’un, avaient touché le sol 6 mètres au moins en contrebas du toit : la position de la fille et du cheval à ce moment-là était totalement incroyable, impossible, c’était la seule position qui pouvait faire qu’ils repartent et elle l’avait dans l’instant inventée et réalisée pour eux deux. Au moment où je l’ai regardée et applaudie la cavalière a simplement eu une petite expiration : jusque-là, ais-je compris, elle était restée dans la chute, dans l’exploit, dans l’invention pure et éphémère, ce n’est que par moi qu’elle pouvait enfin se relâcher.
Je viens de vérifier. En anglais, « ruer » ne se dit pas « to shoe ». Il doit y avoir dans cette affaire, dans l’énergie que je ressens après ce rêve, quelque chose à voir avec la fameuse liste d’enfance où coexistent également les genoux et les hiboux, les cailloux et les poux et, loin au-dessus je le sens bien, les oiseaux.