Mon Satan
Je suis l’ami de Satan
Car Dieu n’a rien fait pour moi
Ou si tu le crois
Tout à l’envers vers l’Enfer où j’attends
Ne crois pas que mon Satan est l’un de ces êtres visqueux
Il n’a rien pour tout dire d’insidieux
Il sait m’offrir les jours de neige
Et les feuilles mortes quand j’entonne
L’envie d’automne
Et que j’ai besoin que des hommes l’on m’allège
Devant une bière bien fraîche
Il tangue et siège
Et m’offre son épaule chaude comme le liège
Et liquide comme l’envie dans la dèche
Mon Satan à moi
C’est l’Autre dont il me préserve
Lorsque je ne veux qu’entrer dans le bois
Préférant soudain le loup aux fous qui bien d’autres servent
Je vis je le confesse
Entouré de trop d’idées sombres
Plus que toutes celles qui remplissent de bonnes messes
Et parfois sais-tu je vois des mains sortir de mes ombres
Et dans ce long cimetière où gisent les corbeaux
Et les gargouilles givrées veillent au repos
Et cette vie
Que tu t’arraches avec les dents
Comme le chien la croûte et le sang
Ne laissant rien que la chair malsaine et pourrie
Tu craches comme le Satan
Les flammes et le désir
Mais ton âme au fond du plaisir
Palpite plus intensément
Et la haine
Autre vieille copine
Radotte dans tes cachots
Entre de silencieux marmots
Aux queues de sirènes et d’ondines
Mais aux crocs et aux griffes de chiennes
Et après
Tu exiges ton déluge
Ta tempête et la chute
Sur tes autoroutes
Tu contemples des déroutes
Et sur l’envers des luges
Là où descend le souvenir et rouges
Les excuses sans apprêt
Constatent le viol et l’amer regret
Tu ne te proposes pas
La férocité
Mais tous t’exaspèrent
Simplement tu aimes rire
Alors tu joue au repas
Et conserve tes tristes amitiés
Celles où rien ne se perd
Parce qu’en vérité
Elles n’ont rien à donner ni à dire
Et tu es là
Pauvre bête en privé
Mais pépère tu prospère
Tout seul peut-être mais pénard ou qui sait peut-être pire
Et ce vieux couteau de peau
Que tu traînes comme un calvaire
Toile déchirée de tes revers
Tambour des vieilles rancunes et de leurs échos
Ce n’est ni le crapaud de Corbière
Ni l’albatros de Baudelaire
C’est le caniche de Vitalis
Faisant le beau pour montrer qu’il fait bien partie du cirque
Qu’on le polisse
Donc qu’on le brique
Petit sou neuf de l’envie et du désespoir
Petit esprit qui ne voit pas plus loin que son cachot noir
Et l’on fait mine de prétendre
Que nous importe le malheur des autres
Quand on ne les comprend pas les autres
Quand sans se méprendre
On n’y croit simplement pas à leur malheur
Ils peuvent jamais jamais être totalement malheureux
Ils n’ont pas l’esprit ni le temps
Pour être malheureux il ne suffit pas d’être triste
Il y faut de l’esprit et du talent
Pour vouloir sauter à chaque tour qu’on fait de cette piste
Il faut une conscience pour vomir le temps
Et de l’idée pour de tous les maux se rendre compte et faire liste
Le malheur n’est pas un moment un instantané mécontentement même affreux
C’est cette permanente inadaptation au monde de notre coeur
Alors
Nous dit-on mais qu’il est beau le parcours intellectuel
Qu’il est reluisant on s’y cache
Bien sûr
Mais à tout prendre Milord
Qu’on nous lâche
Avec les compensations du ciel
La stupidité est d’un bien-être plus sûr
Je suis
Celui qui prend d’autres chemins
Qui regarde le soleil en face
Pour cela
Je cherche une chanteuse
Et une bande
Je ne puis
Promettre les demains
Ni l’avenir des races
Je ne suis prélat
Ni politicien ni danseuse
Je regarde juste le monde et débande
Tout cela ne sont au fond que
Des mots et des Moi(s)
Comme Vénus dans sa conque
Seule la Beauté ô Rimbaud m’offre des émois
L’homme et sa race
M’afflige et me lasse
Si je le vole c’est qu’il me hérisse
Si je le plains c’est que je le méprise
Ce n’est qu’imbécile qu’il est possible qu’il agisse
Et violent qu’il s’attise
Comme le boeuf ou la génisse
Il est bête quoi qu’on en dise
Je vis dans la nuit
Et souvent je ne sais pas comment revenir au jour
Rien ne me tente tout m’ennuie
Et je trouve vides tous vos discours
Le regard du chien
Qui n’attend rien
N’est pas pour moi
Qui suis mon propre roi
J’ai toujours écris
En urgence de mon cri
Avant que demaine la néfaste société de ma vie
Ne laisse que débris
Comme on marche entre les morts
Je voudrais de leurs os faire un charnier
D’une résurrection
Comme le champignon
Qui naît du fumier
Elle te donne ce qu’elle n’a pas
Le corps de la farce
Et bon comparse
Tu sors avec ton petit courage
Rouge au point du jour dans d’autres draps
Sales pleins de poux et en nage
Sommaires comme toujours la Mort
Il n’y a pas de fin à mon poème
Lui dire que je l’aime
Et qu’il m’emporte
[À moins] que je ne l’y exhorte