Isidore Isou est fondateur du lettrisme, théorie poétique révolutionnaire, fondée sur la production de particules sonores, produites par l’être humain pris comme instrument. En effet, le 19 mars 1942, un Roumain de 17 ans, a une révélation en lisant la phrase de Keyserling, "le poète dilate les vocables", qu’il a comprise de travers, vocable en roumain voulant dire "voyelle". Isou lit : "le poète dilate les voyelles", il s’en enchante et crée le lettrisme. Il organise un manifestation inaugurale de sa théorie poétique à Paris, aux Sociétés savantes, en janvier 1946 mais c’est au Vieux-Colombier, lors d’une représentation de la Fuite de Tristan Tzara, qu’il lui vole la vedette en récitant des lettries, réunissant ainsi quelques disciples. Le lendemain, à la une de Combat, tout Paris apprend l’événement. La publication de la Dictature lettriste, cahiers à vocation propagandiste, et l’ouverture d’une Centrale lettriste à la librairie de la Porte latine, siège de la revue, achèvent de lancer le mouvement.
La poésie de mots du surréalisme et du dadaïsme se prolonge en une poésie de lettres qui acquiert son autonomie. Baudelaire en serait le précurseur car dans son oeuvre, selon Isou, émerge l’activité ciselante, par le repli sur soi, l’épuration et le rythme du vers, qui seront portés à leur extrême limite par les lettristes. Toutefois, ce n’est pas parce que les lettristes sont persuadés d’avoir (presque) tout inventé que la poésie concrète ne peut trouver des sources plus anciennes que Baudelaire. Les jeux sonores des grands rhétoriqueurs par exemple. "Tric, trac, troc, trousseland, triquenoque / Traistre trousson, triquenique tribraque".