- 12 mai 2009, par Thomas Vinau
Tokio est un vieux clochard bridé qui était là avant moi et qui y sera après.
Tokio n’a pas d’âge, mais certains disent qu’il a fait la guerre d’Indochine et que c’est depuis ce moment-là que quelque chose ne va plus. Quand j’ai vu comment, alors que l’alcool l’empêchait même de tenir debout, il continuait à planter son couteau en le lançant contre la porte en bois d’un vieux garage, je me suis dit que (...)
- 8 mai 2009, par Ahmed Bengriche
RECTO
Rafle avant-hier vers les coups de quatre heures du matin dans le village. Les soldats avaient pénétré dans les maisons à coups de crosses et d’injures, extirpé les gens de leurs couches, cassé tout, déversé l’huile et la semoule sur le sol et pris dans leur foulée les hommes en habits légers, les mains sur la tête. Rapidement les femmes avaient appris qu’on les dirigeait vers le stade – comme (...)
- 24 avril 2009, par Ahmed Bengriche
Il tombait une pluie de jours fériés sur la ville, très fine, continue, durable, bénigne apparemment.
La veille, on avait remis des prix aux élèves du collège et les voisins n’avaient cessé de faire du bruit durant toute la nuit. Vers l’ aube, des voitures sillonnèrent longtemps les quartiers et des voix
ivres chantonnèrent à tue-tête.
— C’est pas parce qu’on t’a pas remis un bon (...)
- 23 avril 2009, par Carole Fives
C’est votre décision en tout cas, moi, je ne peux que vous conseiller de partir. Vous ne dites rien ? Qu’attendez-vous donc ? Qu’il vous tue ? Vous n’avez pas envie d’être battue, n’est-ce pas ? Qui pourrait avoir envie de ça ? Je ne sais pas, descendez dans la rue, faites un sondage, demandez aux trois premières personnes que vous rencontrez si ça leur plairait, à elles, d’être battues, vous allez (...)
- 22 avril 2009, par Thomas Vinau
Au début de la guerre d’Espagne, Marie est venue avec ses parents dans le sud de la France.
Son père était un gros con de l’ancien temps, qui la battait parfois comme on tape un cheval.
A douze ans, Marie s’est cassée les deux dents de devant, canine et incisive, en tombant d’un arbre. C’est un peu le gros José qui l’a poussée. En fait, il ne l’a pas vraiment poussée, mais plutôt touchée là où on ne (...)
- 17 avril 2009, par Ahmed Bengriche
Dans cette vie, il faut toujours savoir ce qu’on veut, déclara Brahim à sa femme.
Il se tut.
A l’intérieur de la chambre, sous quelque meuble crissait un insecte. Brahim l’écouta un peu plus qu’il ne fallait.
C’est comme cet insecte ; il fallait pas laisser la porte ouverte ; et maintenant qu’il est là il s’agit de le faire sortir.
Le silence de nouveau. Dehors, la nuit noire cadenassait le (...)
- 16 avril 2009, par Pierre-Emmanuel Marais
Il y a une chaise derrière la fenêtre. Une petite chaise en osier. La fenêtre est ouverte. Elle donne sur la rue. J’aperçois le ferry qui s’approche de l’île. En bas les gens descendent vers le port. Les gens de l’île. Ils sont peu nombreux. Ils pressent le pas.
Et puis il y a ce vent, un vent fort qui vient du large. Une tempête qui s’annonce. J’oublie le vent. Un vent de gwalarn. Le vent n’y est (...)
- 16 février 2009, par Yamilé Haraoui-Ghebalou
Un claquement sec, juste le temps de ne pas comprendre, mais d’entendre, au pied des barbelés, le lointain grésillement de ce qui s’appelait une chair. Entamée, blessée, laminée, elle s’écoule avec cette vivante chaleur que l’obscurité ne permet pas de reconnaître. On devine, surtout quand une bourrasque intérieure vient désagréger la force qui restait, que l’on titube, comme ivre et arrêté, pris dans un (...)
- 9 janvier 2009, par Ahmed Bengriche
La nuit tombait sur la ville.
Il se dit qu’il ne se sentait pas saoul et le clama à haute voix. Depuis sa sortie du bistrot, il n’ y
avait que des lumières qui lui traversaient l’esprit. Feux rouges, phares, lampadaires, enseignes...
Il s’arrêta, essaya de se souvenir de cette scène qui s’était passée à l’intérieur du bar et qui avait
fini par éjecter tout le monde au dehors, ne trouva pas. (...)
- 9 janvier 2009, par Ahmed Bengriche
Plus il scrutait les murs plus ceux-ci fuyaient par les côtés qui ondulaient, devenant obliques
dans plus d’un sens. Et ces couleurs juxtaposées qui venaient les charger et les voilà
impénétrables, durs comme fer, tendus, voûtés comme si quelque vent les aspirait de l’extérieur.
Il cligna une fois, deux fois, des yeux, ressentit son estomac au niveau de la gorge et sa pomme
d’Adam pistonnant en (...)