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Les Jeux de Diane 

Poèmes à la manière de Maurice Scève

vendredi 15 février 2013, par Norbert Barbe

Je suis un Homme sans qualités.
A Musil.


En Aubrac ou Ailleurs (sur le chemin)

Les vaches paissent paisibles
Le clocheton du clocher continue encor de tinter
Dans la vallée engourdie de sommeil
L’herbe verte saille en gerbes grasses et dorées
Au fond des déclavations profondes et humides
Le ciel d’un bleu parfait
Surplombe les sapins les grands cèdres
Et les arbres envahis par le fol lierre
Les fleurs aux calices mauves ou jaunes
Les pruniers blancs sous leurs grappes de pétales
Et les timides digitales attendent cachés sous les ronces
Le ru du ruisseau coule calme dans son lit de verdure et de rochers
Creusées dans les blocs de pierres dures
Les maisons hautes et solitaires s’accrochent dignement à la montagne
Sous le soleil arrassant d’une fin d’après-midi de printemps
Au loin aboie un chien
Toxique tocsin des jours qui passent

***

J’ai pleuré
J’ai pleuré 31 larmes
Pour avoir aimé Diane
43
Sur mon lit de bois
Encore autant qu’elle ne s’y soit pas couchée puis encor endormie
108
J’ai passé mille et une nuits
A mimer des gestes d’amour
Mais tout est désuet puisque le temps court
Et que sans doute elle ne sera jamais m’amie
J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps
Sans elle de devoir vivre encor
J’aurais voulu chauffer mon coeur
Au feu marron de ses yeux à la forêt de ses odeurs
Et me perdre dans ses cheveux
Abandonné entre ses mains heureux
J’aurais voulu pendant 100 ans
Etre le gardien de son enfance et le maître de son destin
Mais mon chemin est bien seul et bien fades mes armes
Puisque ma flamme je dois cacher à sa Maîtresse Diane

***

Clef de Contre Ut

Je ne suis que le déchet organique
De ce qui fit mon ascendance
Et le géniteur biologique
Des sécrétions qui feront ma descendance

A ce jour j’arrête tout
Ma vie mes comptes et mon velours
Messieurs les corbeaux venez vous poser sur moi
Emportez-moi
Etendez vos grandes ailes de diamant et de velours

Dessus mes jours et mes amours
Et allez m’étendre mon âme et mon corps tour à tour
Dedans les berges profondes du lac des Carces
Près cette belle ma douce garce
Mais dont me voici pour toujours l’Ophélie
(bridge)

Riez vous les rives et les près
Du malheur d’un gentil
Car Diane ce matin est née

***

Chanson pour la Triple Hécate

O ma chère âme mon tendre amour
De toi j’ai pleuré tout un jour
Mais à quoi servent les longs discours
Je t’aimais je t’aime et je t’aimerai
Pour toujours
Ma plume me sera un tambour
Pour écrire qu’à mon tour
Je t’aimais je t’aime et je t’aimerai
Et si à chaque carrefour
Je dois graver en croix de sang mon amour
Je le ferai sans défaut ni détours
Car je t’aimais je t’aime et je t’aimerai
Et s’il me faut pour te faire ma cour
Me mettre à genoux et quitter mes habits de cour
Je saurais bien ramper sur le parcours
Et s’il faut encor l’achever devant tes atours
Venir en ton imprenable tour
Comme Orphée j’affronterai l’infernal four
O chère Diane mon tendre amour

***


Chanson pour ce soir à la Mi-nuit

A la demi de Mi-nuit
Le dernier coup de ma solitude
Aura sonné
Diane

Ce nom résonne comme un tocsin d’amour perdu
Impossible amour
Diane

Déesse du Jour A la chevelure éperdue
De noire Hérodiade
Diane

Amour gelé Sous la sinistre lune
Dont seul un rayon luit dans mon logis
Diane

Diane
Plus de bruit
Je cherche à le réchauffer de ma couverture
Mais déjà il s’en va et me laisse abandonné

Diane
O mon éternelle élue
Dont le nom aux reflets de noir velours
Occupe mon entière pensée et vide toute mon âme

Diane
Ces deux syllabes
Tocsin inusité
Résonnent en mon coeur comme l’Angélus

Diane
Ces deux syllabes me rappellent sans cesse l’idiot que j’ai été d’avoir un jour cru
Pouvoir lui jouer ma cour
***

Pauvre Norbert

O mes compaings ma Jouvencelle
Ne m’a point voulu pour ami
O douce mélancolie
De mon coeur meurtri

A la source nouvelle
De sa belle jeunesse d’aujourd’hui
A la fontaine-demoiselle de sa dentelle
A sa lanterne borgne d’hystérie

Me voici comme le client flanelle
Abstinence et Absinthe sont mes deux amies
O douce mélancolie
De mon coeur flétri

O mes compaings ma Jouvencelle
Voici
Ce matin que s’avance l’infidèle
O son pas sous la lune glisse timide et joli

O mes compaings mes amis
Allez chanter à ma tendre douce et belle
L’histoire de mon malheur moi pauvre Souci
Dites lui combien m’émeut encor le souvenir de son rire gentil

O mes compaings ma damoiselle
Contez à toutes les balancelles
Où au printemps joli les jouvanceaux complaignent les demoiselles fleuries
Ma chère chanson de fleurette

***


Litanies pour un Bébé


Bébé dis-moi combien de pays ont sombré sous ton nom
Bébé ô bébé combien de terres sont tombées
Bébé combien de déserts se sont ouverts
Bébé combien de mers sont mortes

Bébé soudain mon tombeau s’est ouvert
Sous le joug des morts en sursis qu’on déporte
Et de ta brune peau ambrée
Amour j’ai baisé ton front

O marmoréenne déesse d’An
Céleste déesse des Mers et de la Terre
Déesse aux parfums féconds

O déesse marbrée
Doux portique de ma Passion exhalée de mes eaux mortes
Ultime cteis ô divine Diane

***


Actéon

O sinistre présage
Sombre Némésis
Qui me prend en otage

O mon tendre message
Mon velu pubis
Où tout mon être se glisse

O déesse de la chasse
Déesse d’un autre âge
Pour qui m’offre en sacrifice

***


Litanies bleues sur fond rouge

O mon noir Jésus
Ma Triple Hécate
Mon puit qui ruisselle

O ma lèvre charnue
Ma douce frégate
Ma tendre berge

O ma bouche-que-veux-tu
Ma Paresse et mon âtre
Ma Jeunesse Jouvencelle

O mon souvenir ému
Ma pressante chatte
Ma lointaine Vierge

O ma fièvre têtue
Ma Passion délicate
Ma chair qui m’appelle

O ma terre élue
Mon âme écarlate
Mon toit et mon Etre

O ma vérité toute nue
Ma croupe que l’on flatte
Ma timide Pucelle

O ma célèbre Inconnue
Mon Evangile et mes Actes
Mon Requiem de Purcell

O ma belle menue
Mon entier espace
Ma quenouille qui me grenelle

O mon ivresse non bue
Mon échec et mat
Ma page encor vierge

O ma chine tendue
Mon extase
Et ma brune prunelle

O mon ombre chenue
Ma toute Autre mon nouvel âge
Toi ma même

***

Elise
Comme un oiseau blessé
Echappe de sa cage
Mon coeur regrette son ancienne prison

Je ne te sais plus toi qui es en allée
Ecoute ma douce Aubade toi ma Théthis ô mon Amour-en-cage
Si loin bien loin de nos anciennes barges d’Argenteuil et de leurs flonflons

Nous vivions harassés de soleil et de fruits mûrs
Et dans l’or de tes cheveux bruns
Toi seule savais dompter mes sombres idées grises

Mais faut-il que le Temps soit rude quand la Vie perdure
Aujourd’hui que mes habits noirs portent le deuil de tes embruns
O mon Amour rejoues-moi encor ta "Lettre à Elise"

(Rejoue-moi encor ta "Lettre à Elise")

***

Les Jeux de Diane

Cannes ville de mes amours perdues
Cannes ville de mes amours mortes
J’ai encor l’odeur de ton parfum sur mon corps éperdu
Vers ton ultime souvenir qui me transporte
J’aurais voulu t’écrire des mots démodés
Complexes et recherchés
Des mots superbes
De rose et de givre
Pour te dire que sans toi je ne peux vivre
Mais à quoi me servent toutes les magies du verbe
Quand ta tendre jeunesse
Ne cherche que les extases faciles
Ta tendre jeunesse qui sans cesse me blesse
De ses rires tactiles
Son insouciante allégresse
Mon amour mon doux secret n’étant pour moi qu’un pauvre exil
J’envie tes amis qui t’appellent chez toi
Moi je n’ai jamais eu d’amis et je n’ai jamais fait ça
J’envie ceux qui te prennent dans leurs bras
Qui t’embrassent et entre les mains desquels tu t’en vas
Va mon enfant repose
Mais je ne suis qu’une pauvre chose
Je t’aime sans espoir
Car
Nos dix ans d’écart
Et mon tendre et incestueux regard
Qui m’accrochent chaque jour un peu plus à tes pas
M’éloignent autant de toi
Je t’aime et je saigne de toi
Mon coeur brisé à tes éclats
De rire
Me pousse un peu plus près chaque jour
Vers le bord de la rive mon amour
Et peut-être me serait-il plus doux de mourir
Plutôt pauvre Icare
Que de me brûler aux reflets changeants et noirs
De tes yeux
O ma hautaine hôtesse
O précieuse et souveraine maîtresse
Dont le coeur ne sait pas et qui toujours vers d’autres que moi vaque
Mais dis-moi au moins m’aimes-tu un peu Prozac

***

"Démon"

O ma tendre démone
Ma sombre Hérodiade
Chevauchant les monts de Saturne
Aux cheveux de jais aux reflets auburn
O ma douce infortune
Ecoute donc mon coeur malade
Mon infidèle patronne
Ma nocturne Madone
Qui te joue son aubade
Je dépose à tes pieds démons et merveilles
Les carasses de tabacs "venues de pays où il ne pleut pas"
Les étranges étés aux senteurs avinées
De piment fort et d’épices
Brunes
Les galops-cavalcades
Des chevaux de Mara et brisées les portes de Sodome
De Saba les étranges couronnes
Les Clavicules et les tables des Alcades
Ma misère mon crépuscule et ma brune
Laisse-moi t’aimer parmi ton cortège de sorcières trop vieilles
De silènes chauves et gras
D’enfants dénudés
Et de cacochymes délices
Laisse-moi chanter les orgues de ton trône
Les brèves chamades
Et nos amours nocturnes
Laisse-moi baiser l’ourlet de ta robe
Ton estrade
Et tes urnes
O ma princesse vermeille
Ma brune dame aux yeux de chat
Ma marine Danaé
O ma Cérès génisse
Ma mère du soleil
Ma fille mortelle du trépas
Mon ventre mon amour inavoué
O mon unique malice

***

Perfumes

Démon
Tel était le nom
De ton parfum
Démon
Tel était le nom
De mon amour
Illicite pour toi
Démon
Tel était le nom
Que je te donnais
Ma Dione de Mantinée
Mon androgyne maîtresse au gilet de velours
Au chapelet de crânes
Que tu portais à ta boucle de ceinture
Un ancien cadeau de moi
Mon présent
Pour toi mon amour ma Diane
Ma blessure
Démon
Tel était le nom
De ton parfum
Entêtant capiteux et lourd
D’orange d’encens et de bois
De lacs de forêts
De prairies de mer de montagnes et de prés
De noix de pécan de caramboles et d’amour
D’Amsterdamer et d’orchidées au bout de lianes
De bûchers flambants de cendres et de sciure
D’ombres de pales de poix
Et de feux de la Saint Jean
Ma déchirure
Mon onguent
Mon émoi
Ma profonde cassure
Ma païenne ma déesse de sucre et de Cannes
Ma calebasse mon ventre-mère à la peau dure et tendue de tambour
Ma cadette mon aînée
Ma fillette mon aimée
Ma Diane ma Diane ma Diane
Ma Diane
Ecoute écoute battre pour toi mon coeur sourd
Diane Diane Diane
Diane
Car Diane
Démon
Démon
Tel était le nom De ton parfum

***

Anadyomène

Dans la solitude cellophanée de mon studio
Je me souviens de tes rires charmants
Etrange cadeau
Comme autant de milliers d’éclats d’obus fusant
Et de Melun à Cannes
De Cannes à Melun
L’ombre vaporeuse de ton parfum
Me poursuit et me damne
Je rêve de pays inondés de soleil
Et moites de chaleurs
Mais solitaire je n’entends que le son mouillé de ma feuille
Séchée par mes pleurs
O toi ma tendre solitude
Ma douce amertume
Sais-tu bien que mon printemps comme d’habitude
Dort toujours auprès de toi en ton sein de l’écume né(e)
Et plus de parc-aux-cerfs
Mes lauriers sont coupés
Pauvre Actéon pourchassé
Par ton souvenir si cher
Je pleure le jour
Je veille la nuit
Mon doux amour
Bien loin de ton lit
Et j’imagine ta couche
Et ces mains pesant sur ton corps
D’éphèbes blonds
Et d’hétaïres amantes
Qui sans cesse te touchent
Auprès de qui tu t’endors
Si loin de ma pauvre âme indécente
Et de ma triste chanson

***


"Mare Magno" - Le chant de Grenade

O mon pauvre coeur de luth
Mon âme d’orgue
Pleurez donc cette fugue
Pour une innocente brute

Mon amour et ma chute
Moi Saturne l’eunuque
Actéon que traque
Sa meute

Car vous Cupidons follets
Blonds Antéros
Mon âme repose
Aux pieds d’une dame éloignée

Une dame comme les blés
Au sein rose
Et généreuse comme le pain qu’on dispose
Si blanche noyée

Mille colombes
Viennent moresques
Dessiner une fresque
Au-dessus de ma tombe

Ci-gisent en l’onde
Oubliés presque
Mon âme et mon sexe
Sous l’écumeuse ombre

***


Isis Isabelle

Aphrodite Ops Cybèle
Vos Satyres jouent des cymbales
Sur ma tombe et mon âme
Où mon coeur calme
Repose sous les vagues
Marines et salées
Mer de laque
Où n’écume que mon Anadyoméné
Ma nymphe
Mon Hérodiade
Tirée sur son char de triomphe
Par autant de lions ma grotte ma cascade
Ma source vive
Ma colombe au rameau noir d’olives
Sous tes pieds tombent les roses
Et s’éveille le printemps
Qu’Eros
Adolescent
Jette de sa corbeille d’argent
Les grenades explosent
Dans des jardins de pierres
Où garennes tortues biches porcs génisses et panthères
Te font cortège
Devant moi reine des cieux et de la Terre
Reculent la neige
Et le cacochyme hiver
Toute nue née des entrailles de ton Père
Jeune déesse
A tes pieds se prosternent
Le monde et les rois
Aux cris stridents des femmes et des crécelles
De tes catins et de tes prêtres
Devant toi la Diane Emmanuelle

"Gloria excelsis dea"
"Gloria excelsis dea"
***

Diane

Diane
Avec ton petit cul
Tu me fais de l’effet

Diane
Approche ma bru
Et viens m’aimer

Comme une liane
Accroche-toi toute nue
A mon âme de périnée

Ma chienne
Ecoute donc un peu le coeur déchu
Des anges puinés

Diane
Chantées avec leur luth
Nos amours déchaînées

Diane
Avec ton petit cul
Viens donc ici et attarde-toi encore un peu à m’aimer

***


Satyre

"Quand vous serez bien vieille" mon âme
Vos roses ébats et votre corps pourpre
Purpurine gamine quand vous serez femme
L’amour vous laissera à votre tour

Vos amants de passage
Ne s’attarderont plus à votre lit
Quand vous aurez mon âge
La lèvre molle et le cheveux gris

Ce jour là alors folle de la messe
Vous n’aurez qu’une envie
Que le temps qui se presse
Rien qu’un temps vous ramène à vos gais délits

Mais entre deux souvenirs entre deux albums
Parmi les photos jaunies de votre tristesse
Peut-être que vous penserez à moi l’homme
Qui vous aimait en silence et à ma détresse

Peut-être alors connaîtrez-vous le goût amer des défaites
Et vos mains jadis expertes
Retiendront votre tête
Oubliant - va-et-vient - de la couseuse le geste

Près du chat qui ronronne
Peut-être vous ressouviendrez-vous de mon visage
Par ces longs jours d’automne
A pleurer toute seule sur votre ouvrage

Mais tous vos amis d’un soir
Dont aucun ne vous aura laissé de véritable souvenir
Oubliés depuis longtemps entre les draps d’une armoire
Auront ridé votre beau sourire

Aussi je te le dis ô ma blanche colombe
Laisse donc ici toi si douce tes plaisirs de gamine
Car en vérité mieux vaut aux amours de colobes
Le bon feu de ma cheminée et ma tendresse sans épine

***

Bab-el-Oued

J’irai dormir à la Porte-de-la-Rivière
Sur le marbre froid et l’imputrescible iroko poli
Là où tout ensemble prospèrent
Les palmiers nains de Palerme les figuiers de barbarie

Les touffes fraîches de bougainvillées d’alphas de frangipaniers
De plumagos bleutés d’orangers et l’or émeraude des riches cultures de plantes aromatiques
Là où s’échelonnent en un complexe ouvrage de lave sèche en espaliers
Les lourdes grappes des sombres câpriers au Sud et les vignes basses caressées par un vent d’Afrique

La mer éternellement turquoise
Y balaie de sa main de géante
Les tempêtes sauvages
Au creux des vagues toujours mourantes

Là où la lumière écrue
S’endort sur les campagnes odorantes de jasmin
Et la langue de sel nue
De la mer vient lécher les interminables plages de sable sans fin

Les villes blanches ocres ou roses
Gardent ouvertes leurs portes de bois colorées devant les couseuses assises de précises dentelles
Les coquillages marins que la lame dépose
S’échouent au pied immobile des roches de grès cannelle

Et descendant des montagneuses colonies de lépreux et de chancre
Brune dont les pieds nus font naître sur leur passage le jeune printemps qui chemine
Parmi ses corbeilles de fruits éclatés et de fleurs blanches sous ma plume et mon encre
Brune ointe d’huile une unique boucle de crânes à la ceinture tu t’avanceras ma Vénus Erycinne
***

Naïades’ Song

Leur bonheur qu’ils affichent en photos
Qu’ils placardent sur les murs
Qu’ils dégueulent à la radio
Leur bonheur à l’Epicure
Leur bonheur à la Mao
Leur bonheur à la Rabelais quand ils bouffent des oeufs durs

Leur bonheur à la Pivot
Leur bonheur égoïste leur bonheur qui nie la torture
Leur bonheur malgré tout
Leur fameuse âme d’enfants

Mais moi mon bonheur est parti depuis bientôt
Vingt ans de fascisme et trente ans de mur
Mon bonheur s’est envolé au son des fifres et des pipeaux
Et puis aussi des tambours au détour de la Ruhr
Entre Marienbad et Dachau
Mon bonheur est mort au Cap Vert en Angola en Afrique du Nord

Mon bonheur est tombé en lambeaux au coin d’un bar à Nassau
Dans un fond de verre de vodka orange et un Bond à rayures
Car mon unique bonheur à moi s’est endormi tout à l’heure à tes pieds nus
De déesse au bain

***

Fatrasie

O mille viragos épouvantables
Et marâtres incestueuses
Jasiez Harpies
Hurtiez sorcières

Mes entrailles à ma table
Euryale et soeurs tueuses
Assassins commères
M’étripent et me harient

O pucelle nièce neuvaine véritable
Tes yeux de braises ta bouche pulpeuse
O précieuse amie
Mon rêve mon corps au tien alangui et prospère

O orages calmés ô précieuses accalmies
O mes yeux Œ-éviscère
O ma brûlante autoroute ma superbe chieuse
O ma suprême princesse toi mon âme admirable

***

Vision rouge

Mes noirs corbeaux du désastre mes noirs corbeaux du trépas
Mes monstres des Carpates
Mes ombres héroïnomanes érotomanes kamikazes

Je vous écoute geindre ce soir sur moi
Dans le cimetière de vos émois
Près la fontaine tarie des combats

Antiques Pégases
Solennelles sorcières et goulues hases
Vos yeux de jade de drogue et d’extase

Remplissent vos cornues à pattes
Vos pères Saturnes dansent acrobates
Pour vos Vénus-Hérodiades et vos poitrines plates

Un cheval à trois étages
Descend du Mont Dentier
Et moi m’amie qui m’exilais

Dans ces infernales cages
Du cercle de stupre et des luxurieux d’où l’on ne s’échappe
Odeurs de vulves et relents de chattes

"Je t’aimais je t’aime et je t’aimerai"
Malgré ma lippe mes verruqueuses âmes et mon âge
Aucun comme moi

Jamais ne t’aimera
Car aucune comme toi
Jamais ne m’plaira

***

Vierge nue

O ma tendre sorcière ma Diane
Ma joute-lice ma dive Hérodiade
Sous tes pas les fleurs de mon âge se fanent
Ma douce amie aux tonnantes cavalcades
Les chevaux attelés de ta Triomphade
Attendent donc ta printanière manne
Eros joue du cerceau parmi tes ménades
Tes satyres frileux montent à dos d’âne

Ventripotents et poilus ils s’acharnent
A dépecer quelqu’enfant quelque nomade
Les vieilles verruqueuses tes compagnes
Les hases Kronos mangeur de pierrades
Aiôn et tous les dieux de l’Olympiade
Sur des balais s’en vont battre la campagne
Et la lune rousse de son oeil maussade
Les observe impavide mais chicane

Compte les absents les âmes les mânes
Son oeil unique qui ainsi les regarde
En avertit le Grand Bouc et Perséphone
Qui apparaissent trônant sur leur estrade
Jumièges en fête Satan parade
Mais moi mon seul amour ma belle Diane
Sous les feux de Saint Jean les chants les aubades
Je n’ai d’yeux que pour toi unique âme

Je n’entends que ton rire qui m’enrubanne
Et ton corps qui par ses douces déhanchades
Tout entier me chavire ma naïade
Ma Monade mon adolescente femme

***

Vanité(s)

Etrange Inconnue sombre humeur
Sais-tu bien que je parangonne
Avec mon tuyau de paille et ma coquille d’huître qu’on savonne
Ton inconsistance de bulles et de pleurs

Ma belle Ingénue au corps couvert de fleurs
Toi qui n’aime personne
Et surtout pas moi mais sais-tu bien ma bonne
Que mon art n’est fait que de tes couleurs

Sais-tu bien ma Fortune amère aux dés joueurs
Ma douce amie ma tendre démone
Que ma pipe et mon vin ne connaissent que ton odeur

O mon entêtante Absence sais-tu bien que mon coeur
Mes repas mes rires mes larmes et ma mélancolie brûlent toujours et encor
Pour toi seule comme les coraux que ton écume falune

***

Cythère

O somptueux et glorieux Artémision
Temple de l’Univers à ton prestige élevé sombre démone
Ton cteis maternel qui la terre entière falune
Etend sur ma vie son voile obscur aveugle et cotonneux
Je veux tenir la queue de mon Lion dans la main de ta Vierge
Ton infinie pudeur ton hymen à d’autres offerte
O prostituée divine infidèle émergée
Amoureuse grenade hospitalière auberge
Disperse pour moi aux quatre vents tes fraises rouges airelles et canneberges
Chante danse tonne
Adorable inusable moresque
Ton corps pour tous est une douce rive une chypriote berge
Enterre donc
Sous tes pas de déesse
Mon amour obèse
Et mon âme emprisonnée

***

Par douze

J’aurais voulu voir le Japon
A l’ombre d’un lotus en fleurs
Les femmes indonésiennes et le Gabon
Ses singes dans la brousse et ses griots en transe par les nuits de soufre et de chaleur

Mais rien jamais ne pénétrera le fond de mon coeur
Comme tes hanches et tes bras ronds
A la Renoir et ton regard rieur
Comme ton pied mignon
Tes bracelets de perles et tes colliers d’huîtres par douze

Mais rien jamais ne pénétrera le fond de mon coeur
Comme tes hanches et tes bras ronds
A la Renoir et ton regard rieur
Comme ton pied mignon
Tes bracelets de perles et tes colliers d’huîtres par douze

***


Regrets

Welcome to the Paradise

Welcome to the Paradise
J’aurais aimé être un musicos
Un barde un reggae-man un griot
Welcome to the Paradise
Pour te chanter mon amour ô mon amour
Ma détresse sans toi ô soleil-congas ô miroir de mes jours

Welcome to the Paradise
En attendant que Lavilliers ou un autre m’arrache la tête
Parce que ma chair aura trop vécu
Welcome to the Paradise
Quand ma peau arrachée et ma tête
Traîneront sur le pavé nu

Welcome to the Paradise
Moi j’aurais voulu quitter ma banlieue grise
Ses lampadaires aux halos diffus et sa sale trombine
Welcome to the Paradise
Moi j’aurais voulu être un de ces yuppies
Dominer WallStreet du fond de ma berline

Welcome to the Paradise
Moi j’aurais voulu être riche et avoir une femme aimée
Vivre au soleil ma banque remplie
Welcome to the Paradise
Mais pour le principal d’amour et d’eau fraîche
Mais moi je ne connaîtrai jamais

Welcome to the Paradise
O mon amour impossible mon infidèle chérie
Que ma banlieue pourrie bercée par ses impôts trop lourds "le twist et la dèche"
Welcome to the Paradise
O non sans toi mon pauvre amour
Je ne vivrai jamais que de que de regrets et le coeur lourd

Welcome to the Paradise

***

Lady Di

Lâche un peu ta cigarette
Et viens m’aimer ma Lady Di

Nous n’aurons pas de rendez-vous volés
De lieux de rencontre secrets
Nous n’aurons jamais de longues discussions
Sur des bancs publics
Où seuls nous tiendraient compagnie
Les étourneaux et les pigeons
Ni de grandes promenades
Main dans la main
La tête dans les étoiles
Chacun de nous regardant ensemble vers demain
Nous ne connaîtrons pas les pique-niques
A l’ombre d’un automne marron
Nous ne rirons jamais à la cantonade
De bêtises
Qu’à l’oreille
Je t’aurais dites
Ni de contes un peu méchants
Sur les amies de ta mère
Au printemps
Quand les femmes s’habillent légères
On ne s’accrochera pas non plus de ces rouges cerises
Comme les amoureux à l’oreille
Nous ne ferons jamais ces vétilles
Qui rendent la vie si facile
Nous ne nous embrasserons jamais
Sur l’herbe ou à la terrasse d’un café
Par ces après-midi de soleil
Où tout Paris
Semble avoir sorti ses chiens
Je ne jouerai jamais le domestique
Pimpant dans sa livrée
En venant t’apporter
Ton petit-déjeuner au lit
Non je ne me rendrai pas comique
Juste pour te faire sourire
Je ne m’allongerai jamais
La tête sur tes genoux
Doucement bercé
Par ta main
Se faufilant mignonette dans mes cheveux
Je ne t’écrirai jamais
De poèmes d’amour bien sentis
Dont les vers seraient repris
De Schiller de Byron
Ou bien d’Aragon
Je ne chanterai pas
Tes yeux
Tu ne seras pas mon Elsa
Ma guitarre pour toi restera sèche
Toute bête toute seule dans son coin tête-bêche
Et sous le décor miteux
D’une soupente de toit Je ne te réinventerai pas
L’univers les étoiles les planètes et la vie
Pour toi toute seule
Je ne verrai jamais
Ton visage épanoui
Alors s’illuminer
Emerveillé rien qu’à m’écouter parler
Nous ne veillerons pas après minuit
Dans un café des Champs Elysées
Après le cinéma
Pour refaire le monde entre copains
Nous ne partagerons jamais
La même pizza
Nous ne partirons pas ensemble
Pour nos vacances
Nous n’irons pas voir l’océan
Mon amour au petit matin
Quand la grève est nue et le sable fin
C’est avec d’autres
Que tu connaîtra toutes ces tendres délices
Où nos corps et l’âme complaisamment se vautrent

Et moi je sais pourquoi
O ma fleur de lotus mon yoni ma calebasse
O ma fille ma femme ma mère et ma putain
C’est que tu ne m’aimes point
Et c’est pourquoi j’ai le coeur à marée basse

Car maintenant tu as grillé ta toute dernière cigarette
Mais pourtant tu ne viendras pas m’aimer pour autant
O ma Lady Di

***

Fin des passions

Je ne veux plus d’amour fou
Je ne veux plus de foudres violentes
Je ne veux plus de passions démentes
Je ne veux plus de coeur des coups
Je ne veux plus de fièvres
Je ne veux plus d’orages
Je ne veux plus de jalousies ni de rages
Je ne veux plus de tonnerre
Je ne veux plus de misère
Je ne veux plus d’Eros blonds
Je ne veux plus de serments félons
Je ne veux plus de matrices amères
Je ne veux plus de sombres extases
Je ne veux plus d’érotiques ravages
Je ne veux plus d’exotiques mirages
Je ne veux plus de cours emportées hélas
Je ne veux plus d’amazones
Je ne veux plus de putains
Je ne veux plus de femmes sans lendemain
Je ne veux plus de petits matins dans la brume des zones
Je ne veux plus de passades
Je ne veux plus d’amours de marins
Je ne veux plus de promesses qui s’évaporent au petit matin
Je ne veux plus jamais être malade
Je ne veux plus de passions sans retour
Je ne veux plus de mortels coups de foudres
Je ne veux plus de perpétuelles épreuves où il faut toujours en découdre
Je ne veux plus d’éprouvants et ravageurs amours
Car mon doux amour ce que je veux à présent
C’est moi toute ma vie t’aimer tendrement

***

Lolita prétentieuse

O petite prétentieuse
Te voilà donc dans d’autres bras que les miens
Moi qui ne suis donc rien
Pour toi que ton "Mac Fatum" ton "vieux babouin"
O petite prétentieuse
Te voici donc bien loin
De moi pauvre Arlequin
Ridicule pantin entre vos féminines mains
O petite prétentieuse
Tu me fais mal moi ton chien
Mais c’est sans doute je crois du moins
Que je représente un peu pour toi ô ma si douce peau de chagrin
O petite prétentieuse
Laisse-moi mourir par tes yeux de gamin
Puisque c’est mon seul malheur mon seul bonheur enfin
Puisque toi seule est mon véritable bien

***

Dit Non

La Mélancolie joufflue distord les ailes du Hasard
O ma brune gitane ma perle noire
Mon obscur bijou mon doux cauchemar
Le soleil joli mord la chaise bleue
La maison cacochyme va jouer avec le chien rosé
L’ombre cruelle de ses yeux
M’a dit non ma Didon pauvre Enée
Les pins joyeux bruissent dans quel pays dangereux
La mer plantureuse court après l’horloge si belle et pressée
O ma Dione de Mantinée Ma Diane au parfum de henné
Héminée de mon coeur malheureux
Mon amour androgyne ma double Vénus ma Vénus-Humanité
Ma sombre Hécube ma triste Artémis au coeur si creux
O brûlante seigneurie
Les dieux jaloux ont maudit
Mon amour qui tant m’aura hari
Ses sombres yeux de braise marrons
M’ont donc dit non ô ma Didon Pauvre Enée
Pauvre amour poignardé
Car ma Mélancolie joufflue mon Zéphyr nocturne
Ce soir que le vent use aux contours de la blanche lune
Hérodiade salace gamine prostituée du Harrar
Moresque Artémis m’a dit non O Didon pauvre Enée
Ton parfum ma démone de mandarine et henné
Ce soir m’a dit non ô ma Didon pauvre Enée
Car ma Mélancolie joufflue distord les ailes du Hasard
Le fou solide quête la planche à repasser le linge sensible
La fille épaisse répète le prince terrible
Le hasard gentil salit le profil des Erinyes si belles
L’amant vinaigré joue à Madrid le matin éternel
Le soleil fantasmagorique rougeoie l’après-demain lumineux
Le chausson laid pleure en tapant
Le chausson laid pleure en tapant

***


Banquise
(Lola’s lover himself)


Je t’attends au Bar de l’Arrivée
Et tu ne viens pas
Je relis Banquise

Par la vitre embuée
Je regarde s’écouler au petit pas
Le flux des derniers isolés des cramouilles des carabistouilles à pistons et des vieilles marquises

Toute faune bariolée
D’étrangers barlous banquiers d’étudiants ou de rats
Sous les poubelles insanes les Cocas dévidés et les mégots qu’agonisent

J’attends ton arrivée
Au Bar du Trépas
Parmi les fumées de cigarettes les relents de solitudes déjà grises

Que veux-tu je t’ai aimée
Sans retour peut-être peut-être pas
Qui saurait quoi que j’en dise

Quai désert des rêves échoués et envolés
Pandore aux bas de soie
La ville nous sédimente nous sue nous use et nous sédimentarise

Je t’attendais au Bar de l’Arrivée
Et bien sûr tu n’es pas venue
J’ai relu Banquise

***

Vénus de Saturne

Les monstres verts de mes yeux
Ouvrent leurs ventres et d’eux
Sortent des matières fécales
O chaudron incestueux de tes yeux
Et là bouillent les os puants et hideux
Les cadavres laissent échapper leur gaz intestinal
De la machine de mes veines à l’alambic tortueux
Sortent des sorcières aux nez verruqueux et puis aussi quelques autres anciens dieux
Ma peau se détache de mon corps et s’étale
Mon zodiaque laisse pendre d’Hérodiade une longue mèche de cheveux
A mon épaule droite le soleil transpercé bat creux
Des larves s’enroulent sous mon épiderme et mes ongles sales
Des lacs gelés de ma moisissure naît ta peau aux artères bleues
D’un coup de dés donc mon corps nègre d’escarres a expulsé le tien d’un dru verjus avant que silencieux
De retomber pour toujours à jamais perdu entre les voiles sombres de tes mamelles-étoiles
Tu es ma galaxie bienvenue
Et petite désormais je suis ta nouvelle poupée vite oubliée ton vieux jeu
Je t’aime
Je t’aime

***

Une petite conne de 15 ans

Une petite conne de quinze ans
Et voilà que je me lâche
Moi le sombre Serpent le tortueux Belzébuth
Moi le Gog le Magog la Terre et le Vent

Une petite conne de quinze ans
Et voici qu’en creux mes vastes espaces
Echappés à l’hier symbole se lézardent
Mes territoires mon pouvoir et sur les lendemains

Une petite brune aux yeux noirs et ma chute sans fin
O mon Horatio mon Méphisto mon Eloi
Reprends en délicieux jardin

Un petit corps de putain
Une gentille fille d’humain
Et dans le précipice enfin dis-moi qu’ai-je chu tout schuss

***


Paradise’s Lover –
Je ne te reverrai plus Je ne veux plus te revoir (Diane) - "Retours"

Mes nuits sans Vanessa
Sont salées-sucrées
Mes nuits sans Vanessa
Sont faites intégralement
Des riffs de ses lives
Car mes nuits sans Vanessa
Mes nuits sans Vanessa
Mes nuits sans Vanessa
Sont canne-à-sucrées
Car mes nuits sans Vanessa
Mes nuits sans Vanessa
Mes nuits sans Vanessa
Sont intégralement
Faites d’Elisa d’Elisa d’Elisa
Et de Noces Blanches
Et moi je me taille
De belles nostalgies pour sa Thémis adolescence
Car mes nuits sans Vanessa
Sont salées-sucrées
Comme les vertes papayes
Qu’en été on coupe en tranches
Et puis qu’on mange avec de la purée de piments
Mes nuits sans Vanessa
Sont faites intégralement
Des riffs de ses lives
Et des sommeils
Inassouvis de mes lunes aux nuits trop blanches
Car mes nuits sans Vanessa
Mes nuits sans Vanessa
Mes nuits sans Vanessa
Sont salées-sucrées
Comme les mûres que l’on cueille
Par inadvertance
A la croisée des chemins
A la croisée des chemins
De ces fines porcelaines d’émail
De ces fines porcelaines d’émail
Sur lesquelles se penchent
Les vieux barbons barbants
En habits du dimanche
Cols à jarretières et manches
Empesées ô douces sorcières aux bras ballants
Ma Neige d’antan
Et ma pauvre rose misère qui me veille
Mes nuits sans Vanessa
Mes nuits sans Vanessa
Mes nuits sans Vanessa

***

P.-S.

Dante Gabriel Rossetti, Mona Vanna, 1866.

Huile sur toile. © Tate.

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