Elle et ses talons
Eux qui creusent
Elle qui vérifie
si son maquillage
tient le coup
Eux qui retirent la terre
qui bientôt recouvrira
le mort
Elle
toute petite
au milieu du cimetière
Eux comme de gros
gaillards musclés
qui font des cercles
avec leurs pioches
leurs pelles
et leurs regards
Elle qui sent bon
du parfum capiteux
du rimmel cher
tout ça qui (…)
Izet Sarajlic est mort en 2002. Né le 16 mars 1930 à Doboj, après des études de lettres à la Faculté de Sarajevo, il a travaillé presque toute sa vie dans la maison d’édition sarajévienne "Veselin Maslesa". Ses poèmes ont été traduits en de nombreuses langues. Sarajlic (dont le nom peut se traduire par "Sarajévien") est demeuré dans sa ville tout au long de l’interminable siège, qui a duré (…)
L’autre côté des portes
Chaque fois
il se retrouve dehors
devant leurs portes closes
avec la nuit
et les chiens qui aboient
autour les voitures
font des cercles
dans la ville
Chaque fois
la lumière est allumée
à l’intérieur
et elles pleurent
il les entend
il sent le chaud
et le rimmel fondu
de l’autre côté
Chaque fois
il se demande
ce qu’il a fait de (…)
Arménie
Pays-décor
désert ou presque
où surgit la pierre gravée
dans le signe qui panse
les plaies.
Après l’ouvrage écrit
taillé de texte clos
je m’assieds sur le banc
et je te regarde.
Arménie.
Pays de pierre diffuse
où se détend le ciel
et la terre en volutes,
où mille et un soupirs
soufflés de tons terreux
se mélangent
en vibrants corps à (…)
Ces notes de Jules Laforgue ont été extraites d’un agenda ayant appartenu à l’auteur et couvert, par endroits, de notes manuscrites. Elles datent de son séjour en Allemagne, en 1883, où il occupait les fonctions de lecteur après de l’impératrice Augusta. L’auteur des Complaintes et de L’Imitation de Notre-Dame la Lune a alors 23 ans ; il décèdera quatre ans plus tard. Signalons que les notes (…)
Il y aurait le monde des êtres vivants, et l’autre là-bas, sourd dans une poussière d’étoiles. L’un et l’autre seraient séparés par le temps et l’espace, par la nuit. Il n’y aurait entre ces deux mondes que la parole, la pensée, et l’espoir. Où serait le paradis, ici ou là-bas ? Dans nos corps conscients ou dans la longueur infinie de ce tapis phosphorescent ? Et surtout, qui regarderait qui ? (…)
Décalage horaire
Ils ont beau régler leur montre
Quand ils prennent l’avion
De Lima à Tokyo
En passant par Bombay
Ils ne marchent pas au même pas.
Prisonniers de leur temps
Hérité de leurs parents
Ils se piquent aux fuseaux
Qui leur sont étrangers.
Humanisme, moyen âge
Coexistent en tapage.
Ils n’ont pas le même âge
Ceux qui pourtant sont nés
Le même (…)
Tous les insomniaques y habitent
et font leurs nuits les après-midi
dehors le vide prend toute la place
une purée de vide de fond d’assiette
même pas un vide absolu un vide de traîne si épais
je propose à ma mère une balade
à ma mère qui a mal aux os
à ses os qui voudraient sortir
sur le trottoir étroit
comme une ride d’expression mauvaise de la route
impossible de marcher (…)
Acétabule
Le désir fend
s’aspire
comme une ventouse
escamote le vin
dans une acétabule
à mesure que le vinaigre prend
Le plaisir dort
se love
rouge et fauve
dans un calice
se moque acide
du trop-plein
que l’on jette dans l’enfonçure
Bloc-notes
Pas de demi-mot
Ni de semi désordre
Plus rien à sa place
Cumul explosif de vouloir en (…)
Pour les seize ans de mon fils Kristen
À toi mon ange d’amour,
de courage et de douceur,
mon fils loyal et droit.
Comme tous les enfants du monde,
tu m’as offert plus de leçons
que je n’ai de conseils à te rendre.
Maintenant tu es grand,
Petit homme…
Alors voici de l’or,
le seul qui vaille son pesant d’or :
le seul qui fasse garder le nord !
Si tu aimes la (…)